L'article 1386, relatif à la responsabilité particulière des bâtiments en ruine est-il exclusif de tout autre régime de responsabilité et notamment du régime général de responsabilité du fait des choses dont on a la garde, fondé sur l'article 1384, alinéa 1 ?
L'arrêt du 23 mars 2000 retient l'application exclusive de l'article 1386 à l'égard du propriétaire et si la Cour mêle l'article 1384 alinéa 1 dans son raisonnement, il ne s'agit en aucun cas de pouvoir l'affirmer cumulativement à l'égard du propriétaire du bâtiment.
L'article 1384 alinéa 1 ne subordonne à sa mise en œuvre que trois conditions, plus simples à remplir. La solution de la Cour de cassation entraîne une solution différente à l'égard d'un tiers autre que le propriétaire et notamment à l'égard du gardien non propriétaire. Ceci nous amènera à nous demander si ces deux types de responsabilité sont alors cumulatives.
[...] Cass, civ mars 2000 : la responsabilité des bâtiments en ruine La toiture d'une grange s'est effondrée et a endommagé l'immeuble contigu. La propriétaire de cet immeuble contigu engage alors la responsabilité du propriétaire de la grange sur la base de l'article 1386 du Code civil et réclame réparation au titulaire du droit d'usage de la grange, sur le fondement de l'article 1384 alinéa ce titulaire étant gardien non- propriétaire de la grange pouvant exercer un pouvoir d'usage, de direction et de contrôle sur cette chose. [...]
[...] Il serait alors illogique de restreindre les possibilités d'action de la victime au seul propriétaire sur la base de l'article 1386. La seconde raison qui permet de qualifier ce revirement de favorable est qu'il s'ancre dans le leitmotiv de la Cour de cassation, constant depuis le début du XXe siècle, qui est : indemniser plus et mieux la victime. Reconnaître à une victime la possibilité d'agir contre deux individus réduit en outre les risques d'insolvabilité. Ces deux ordres de responsabilité peuvent-ils véritablement être invoqués de manière cumulative ? [...]
[...] Le revirement opéré par notre arrêt change la situation et supprime cette interdiction. Il peut être considéré comme favorable pour notamment deux raisons, étroitement liées. Tout d'abord, les conditions de l'article 1384 alinéa au nombre de trois (existence d'une chose, d'un gardien de cette chose et du rôle actif de la chose ou de son anormalité en cas d'inertie de celle-ci) sont moins nombreuses que les cinq subordonnées à la mise en œuvre de la responsabilité particulière du fait de la ruine des bâtiments et sont plus faciles à réunir, à prouver pour la victime. [...]
[...] C'est alors à bon droit que la Cour de cassation n'a pas remis en cause l'application de cet article. Seulement, les conditions à prouver pour engager la responsabilité du propriétaire sur la base de l'article 1386 sont, comme nous l'avons vu, nombreuses et parfois difficiles à remplir, notamment en ce qui concerne l'apport de la preuve que la ruine du bâtiment à l'origine du dommage provient d'un défaut d'entretien ou d'un vice de construction. Seulement, cet arrêt ne revient pas sur l'impossibilité de cumuler, à l'égard du propriétaire du bâtiment, la responsabilité issue de l'article 1386 et celle issue de l'article 1384 alinéa entraînant pourtant moins de conditions de mise en œuvre à remplir et prouver. [...]
[...] Le caractère non exclusif de l'article 1386 La solution de la Cour de cassation entraîne une solution différente à l'égard d'un tiers autre que le propriétaire et notamment à l'égard du gardien non propriétaire ; ceci nous amènera à nous demander si ces deux types de responsabilité sont alors cumulatives Application possible de l'article 1384 alinéa 1 à l'encontre du gardien non-propriétaire La Cour de cassation admet ici la possibilité d'agir contre le gardien non propriétaire sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1. C'est en ce sens que cet arrêt du 23 mars 2000 constitue un revirement de jurisprudence. [...]
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