« Il faut réparer le mal, faire qu'il semble n'avoir été qu'un rêve ». Cette citation de Carbonnier a le mérite d'être claire, mais le préjudice est bien entendu toujours réel. Le juge doit donc s'efforcer de remettre la victime dans son état antérieur au dommage.
Concernant l'arrêt de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation du 19 juin 2003 que nous allons commenter, Mme X, qui exploitait un fonds de boulangerie, et sa fille ont été blessées dans un accident de la circulation dont M. Y a été reconnu responsable. Mme et Mlle X ont demandé à être indemnisées de leur préjudice résultant de la perte du fonds de commerce pour Mme X et de la perte de chance d'avoir pu reprendre un fonds de commerce prospère pour Mlle X. La Cour d'appel d'Amiens, dans son arrêt du 4 novembre 1999, a rejeté leurs demandes. Elle estime que Mme X avait la possibilité, durant sa période d'inactivité, de faire exploiter le fonds par un tiers et que si elle avait choisi de le laisser péricliter, elle ne saurait en imputer la responsabilité à l'auteur de l'accident. Mlle X, quant à elle, ne pouvait demander réparation à l'auteur de l'accident, car la perte de valeur du fonds n'était pas une conséquence de l'accident. Mme et Mlle X forment alors un pourvoi en cassation.
L'auteur d'un accident peut-il se voir imputer les conséquences économiques subies par la victime lorsque celle-ci n'a pas minimisé son préjudice ?
[...] Cet arrêt va nous permettre de commenter la position nouvelle de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation concernant la victime qui ne prend aucune mesure pour minimiser son préjudice. L'intérêt pratique de cet arrêt est intéressant à la fois pour la victime qui connaîtra la position à adopter en cas de préjudice subi, mais aussi pour l'auteur du dommage qui saura quelles conséquences de son dommage il devra réparer. Comme l'indique Carbonnier, la victime doit être replacée dans son état antérieur au préjudice. [...]
[...] La Cour de cassation rejette donc la thèse d'une obligation pour la victime de minimiser son préjudice. Cependant, il faut considérer la chaîne de causalité entre la faute et le dommage rompue si la victime décide de ne pas mettre en œuvre des moyens raisonnables pour limiter son préjudice. Sur ce point la jurisprudence a suivi la doctrine, concernant le comportement de la victime qui est comparé à celui d'un individu standard placé dans la même situation. En ce qui concerne la dévaluation du fonds de boulangerie à la suite de l'incapacité de Mme la Cour de cassation a estimé implicitement qu'il était sévère que la Cour d'appel lui reproche de ne pas avoir concédé l'exploitation à un tiers. [...]
[...] Mme et Mlle X forment alors un pourvoi en cassation. L'auteur d'un accident peut-il se voir imputer les conséquences économiques subies par la victime lorsque celle-ci n'a pas minimisé son préjudice ? La Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'appel. Elle estime que l'auteur d'un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables, la victime n'étant pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable. Elle s'appuie notamment sur l'article 1382 du Code civil. [...]
[...] Pour elle, il n'existe donc aucun lien de causalité. La Cour de cassation répond en constatant que Mme X a subi une incapacité temporaire puis permanente l'empêchant de reprendre son activité de boulangerie à la suite de l'accident. Elle indique qu'il en résulte un lien de causalité directe entre l'accident et le préjudice de Mme X. En droit positif, en matière de responsabilité délictuelle, le lien de causalité entre le fait dommageable et le préjudice doit être direct. La Cour de cassation réaffirme ce principe. [...]
[...] Cette solution peut être considérée comme très claire mais elle a fait l'objet de plusieurs critiques B - Une solution contestée par la doctrine Jean-Paul Chazal estime que la solution adoptée par la Cour de cassation va bien au-delà de la réparation intégrale. En effet la Cour de cassation choisit d'indemniser la victime des conséquences de sa propre négligence car elle n'a mis aucun moyen en œuvre pour minimiser les pertes de son fonds de boulangerie. Jean-Paul Chazal reprend également l'exemple du bon père de famille, qui mettra en œuvre tous les moyens raisonnables pour minimiser les conséquences préjudiciables. [...]
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