« Découvert » à l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, le régime général de responsabilité du fait des choses coexiste avec des régimes spéciaux, certains favorables aux victimes ou certains au contraire restreignant leur droit à réparation ; cet arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 16 janvier 1991 aborde le régime particulier de responsabilité du fait du dommage causé par un incendie de la chose, révélant un régime défavorable à la victime, mais le contournant par une subtilité doctrinale relative à la qualité du gardien de la chose.
Le récepteur de télévision des époux Checler (les victimes) a pris feu et provoqué un incendie dans leur pavillon. Ils ont assigné, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, la société ITT Océanic (le fabricant) et la compagnie Union des assurances de Paris (l'assureur) en réparation de leurs dommages.
La question qui se posait aux juges était celle de l'application au cas d'espèce du régime général ou d'un régime particulier de responsabilité du fait des choses : le dommage causé à un immeuble par un incendie ayant pour cause première la combustion spontanée du téléviseur (la chose) entraîne-t-il la responsabilité du gardien de la structure sur le fondement de la responsabilité générale de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil ?
[...] Le récepteur de télévision des époux Checler (les victimes) a pris feu et provoqué un incendie dans leur pavillon. Ils ont assigné, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, la société ITT Océanic (le fabricant) et la compagnie Union des assurances de Paris (l'assureur) en réparation de leurs dommages. Rendu sur renvoi après cassation, un arrêt de la Cour d'appel de Riom du 11 mai 1989 condamne le fabricant et son assureur à réparer le dommage provoqué par l'incendie. [...]
[...] L'application stricte du texte de loi aurait fait peser sur les victimes la charge de la preuve d'une faute, car l'incendie a bien pris naissance dans le poste de télévision dont le fabricant gardait la structure, et dont la responsabilité ne pouvait de ce fait qu'être engagée sur la base d'une faute. Mais les juges ont estimé que le régime général de responsabilité posé par l'article 1384 alinéa 1er ne se trouvait pas écarté par celui de l'alinéa 2 du même texte lorsque les dommages sont dus non pas à l'incendie, mais à l'explosion de la chose qui lui est antérieure. [...]
[...] Le dommage est donc dû à l'explosion de la chose, et non pas à l'incendie qui n'est pas la cause première du dommage mais seulement un effet indissociable. De la sorte le régime spécial est écarté et le régime général de responsabilité du fait des choses s'applique, favorable aux victimes qui n'ont qu'à prouver un dommage résultant de la chose. Les juges se basant maintenant sur le régime de responsabilité générale du fait des choses, se posent la question de la responsabilité respective des gardiens, le fabricant s'étant prévalu pour échapper à sa responsabilité de sa qualité de gardien de la structure de la chose. II. [...]
[...] Les juges font ainsi la distinction entre dommage du au dynamisme propre de la chose (entraînant la responsabilité du gardien de la structure pour défaut de la chose) et dommage du à l'usage fait de la chose (entraînant la responsabilité des gardiens du comportement pour usage inapproprié de la chose). En l'espèce, la Cour de cassation estime que la Cour d'appel, relevant que les victimes n'avaient commis aucune faute et que le fabricant avait conservé la garde de la structure de la chose, a légalement justifié sa décision au regard de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil : le fabricant et son assureur sont tenus de réparer les dommages causés par le dynamisme propre de la chose dont ils étaient restés gardien de la structure. [...]
[...] L'exigence de la preuve d'une faute reposant sur les victimes Le régime général de responsabilité du fait des choses de l'article 1384 alinéa 1er exige simplement que la victime prouve un dommage résultant d'un fait de la chose ; l'alinéa 2 introduit quant à lui un régime spécial de responsabilité du dommage causé par un incendie de la chose, dans lequel non seulement une faute est exigée, mais la preuve de cette faute incombant à la victime si elle veut obtenir réparation. Cela revient en l'espèce pour les propriétaires à prouver que le fabricant, gardien de la structure, à commis une faute dans la conception de la chose (le téléviseur) étant à l'origine du dommage qu'ils ont subi. Ce régime très défavorable aux victimes va se voir contourner par les juges d'appel, et le raisonnement confirmé par les juges de cassation, par une distinction sémantique subtile dans l'interprétation de la loi. [...]
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