En l'espèce, deux propriétaires d'un immeuble ont saisi le tribunal administratif de procédures successives afin de demander le sursis à exécution et l'annulation de deux permis de construire délivrés à un propriétaire de parcelles proches de leur immeuble. Ces demandes ont été rejetées par les juges du fond, qui ont considéré que l'intention de nuire était la condition de l'abus de droit. Non satisfait de cet arrêt, le requérant forme un pourvoi en cassation.
Les juges de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation ont donc dû se demander si l'action en justice est susceptible d'un abus de droit. Ils ont également dû se demander si l'intention de nuire est ou non une condition de l'abus de droit. Peut-on commettre une faute dans l'exercice d'un droit ? Une faute dans l'action en justice peut-elle caractériser un abus de droit ?
Les juges de la Cour suprême ont cassé l'arrêt de la Cour d'appel au visa de l'article 1382 du Code civil et au motif que « toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ». C'est donc la théorie de l'abus de droit qui est consacrée ici.
[...] La responsabilité du fait personnel: Chambre civile de la Cour de cassation septembre 2008 La responsabilité du fait personnel est prévue aux articles 1382 et 1383 du Code civil ainsi qu'à l'article 489-2 du même code. L'article 1382 dispose que Tout fait personnel de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer Dans ce régime de responsabilité délictuelle, le fait générateur de responsabilités est le fait personnel de l'auteur qui est à l'origine du dommage. [...]
[...] le CC a rattaché le droit à un recours juridictionnel à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée n'a point de constitution Comme tous les droits, le droit d'agir en justice est susceptible d'abus Mais la Cour de cassation refuse de consacrer l'abus de droit selon une conception restrictive c'est-à-dire en le caractérisant exclusivement par une intention de nuire L'abus de droit dans l'action en justice Il y a un principe traditionnel formulé par G.Cornu selon lequel, le droit d'agir en justice est, comme tout autre droit, susceptible d'abus D'abord consacrée en doctrine et en jurisprudence, la théorie de l'abus de droit a ensuite été consacrée par le législateur à l'article 32-1 du Code de procédure civile qui dispose celui qui agit en justice de manière ( ) abusive peut être condamné à une amende civile ( sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés La théorie de l'abus de droit ainsi que sa sanction sont fondées sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, c'est dans ce sens qu'affirme L.Cadiet et E.Jeuland dans leur manuel Droit judiciaire privé que le droit d'agir en justice n'est pas un droit discrétionnaire ; comme tout droit subjectif, il est ( ) susceptible d'abus et cet abus est sanctionnable L'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA avril 2007) contesté devant la Cour de cassation le 11 septembre 2008 avait bien stipulé que l'exercice d'une action en justice peut être constitutif d'abus cette affirmation n'est pas critiquée par les juges de la Haute cour. En revanche ils critiquent les conditions de la caractérisation de l'abus de droit en ce qui concerne la nécessaire intention de nuire de la part du plaideur. La condamnation de la notion restrictive de l'abus de droit En effet, selon les juges du fond, l'abus de droit est conditionné par une intention de nuire de la part de l'auteur de l'abus. [...]
[...] Les juges de la Cour suprême ont cassé l'arrêt de la Cour d'appel au visa de l'article 1382 du Code civil et au motif que toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur C'est donc la théorie de l'abus de droit qui est consacrée ici. L'abus de droit est une notion qui permet de régler un paradoxe. La faute pouvait être définie comme un acte contraire au droit, il n'est donc en principe pas possible de commettre une faute dans l'exercice d'un droit. [...]
[...] En effet cette décision de la Cour d'appel montre sa volonté d'admettre restrictivement l'abus de droit. À propos, L.Cadiet et E.Jeuland affirment dans leur ouvrage que si l'action en justice est un droit subjectif, elle traduit aussi une liberté publique essentielle La jurisprudence a donc adopté une conception stricte de l'abus en considérant que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que s'il constitue un acte de malice, de mauvaise foi, une erreur grossière équipollente au dol. [...]
[...] En effet, dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation censure l'arrêt de la Cour d'appel au visa de l'article 1382 du Code civil, en réaffirmant que toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur Aujourd'hui, la jurisprudence ne consacre plus l'intention de nuire comme étant une condition nécessaire de l'abus de droit. En effet, dans un certain nombre de décisions de la Cour de cassation, le plaideur n'est plus obligé de démontrer l'intention de nuire. II) L'élargissement de la notion d'abus de droit Par cet élargissement, l'abus de droit est plus facilement admissible. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture