Il est relativement fréquent qu'un contrat d'entreprise rende nécessaire un dépôt. Il y a alors un dépôt accessoire au contrat d'entreprise. Cela suscite différents problèmes, notamment celui de la contrepartie due par le déposant. L'arrêt de principe rendu par la première civile de la Cour de cassation le 5 avril 2005 apporte une réponse en cette question en énonçant une présomption de caractère onéreux du dépôt accessoire.
En l'espèce, un client donne son véhicule à réparer à un garagiste. Le garagiste demande des frais de gardiennage pour le temps excédant celui nécessaire à la réparation (en l'espèce, le dépôt après réparation a duré 3 mois). La CA rejette la demande au motif que le garagiste n'a pas prouvé le caractère rémunéré du dépôt. Le garagiste se pourvoit en cassation.
Le problème est le suivant : est-ce au garagiste dépositaire de prouver le caractère onéreux du dépôt accessoire au contrat d'entreprise ou au déposant de prouver son caractère gratuit ?
La Cour de cassation retient une présomption de dépôt à titre onéreux et casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 1928 du Code civil. Le garagiste n'a pas à prouver le caractère onéreux du dépôt accessoire. C'est au client de prouver son caractère gratuit.
Ainsi, la Cour retient-elle une présomption de caractère onéreux du dépôt accessoire (I) mais la notion de dépôt accessoire peut être contestable au-delà du délai nécessaire à la réparation (II).
I- Le caractère onéreux du dépôt accessoire
L'exécution du contrat d'entreprise rend nécessaire la remise de la chose (A) ce qui permet de retenir l'existence d'un dépôt accessoire (B).
A- L'exécution d'un contrat d'entreprise et la remise de la chose
Dans le contrat d'entreprise, l'entrepreneur est chargé de réaliser un travail. Lorsque ce travail doit être réalisé sur une chose, il est évident que cette chose doit être remise à l'entrepreneur, ce qui implique, à titre accessoire, une garde de la chose. (...)
[...] Conséquences du caractère onéreux : l'obligation du garagiste sera une obligation de moyen renforcée, sa faute sera présumée s'il restitue une chose endommagée et l'appréciation de la faute en cas de dépôt à titre onéreux est faite in abstracto, par rapport au bon père de famille. La présomption de caractère onéreux peut donc être aussi favorable au client. Dans l'arrêt étudié, cette présomption se retourne contre le client qui devra rémunérer le garagiste pour le dépôt ; dans d'autres circonstances, le caractère onéreux pourrait se retourner à l'avantage du client en cas de détérioration de la chose. Par la présomption d'onérosité, on relève, en outre, un recul du principe de gratuité du dépôt. [...]
[...] Tel est également le cas pour le dépôt accessoire au contrat d'entreprise. Par l'arrêt commenté, le service d'amis devient un dépôt salarié chaque fois que le dépositaire est un professionnel. Plutôt que de se référer au caractère accessoire du dépôt par rapport au contrat d'entreprise afin d'en justifier le caractère onéreux, il aurait pu être plus opportun que la Cour se réfère à la qualité de professionnel du garagiste (le contrat de mandat : est présumé être à titre gratuit mais la présomption est renversée lorsque le mandataire est professionnel : Cassation civile décembre 1989). [...]
[...] II- Le caractère accessoire du dépôt ou la formation d'un nouveau contrat L'extension de l'obligation accessoire du dépôt est contestable et la présomption d'onérosité marque un recul de la gratuité L'extension contestable de l'obligation accessoire de dépôt La Cour se réfère à la notion d'accessoire dans son attendu. Cette qualification est-elle appropriée ? Autrement dit, n'existe-t-il pas plutôt deux contrats indépendants qui se succèdent dans le temps, un contrat d'entreprise (la réparation, avec, accessoirement le dépôt nécessaire pour réparer le véhicule) et un contrat de dépôt (le gardiennage une fois les réparations finies) ? Pour le contrat d'entreprise, il existe bien, cela ne fait pas de doute. [...]
[...] Ce contrat ne serait donc pas formé et la nature contractuelle de l'obligation est contestable, ce que retient pourtant la Cour de cassation en considérant qu'il s'agit d'un accessoire au contrat d'entreprise. Plutôt que de reconnaître l'existence d'un contrat de dépôt là où l'échange des consentements n'existe pas, on pourrait donc se fonder sur l'article 1135 et déduire une obligation de garde de la chose qui serait la suite naturelle du contrat d'entreprise par référence aux usages et à l'équité. [...]
[...] L'obligation essentielle reste la réalisation du travail, non de la garde de la chose. Le dépôt n'est qu'accessoire. L'article 1915 du Code civil définit le dépôt : le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature C'est un contrat réel mais la qualification même de contrat a pu être discutée puisque la volonté a une place moindre que dans les autres contrats. Article 1917 : le dépôt est un contrat essentiellement gratuit Néanmoins, des atténuations sont prévues à l'article 1928 (visa de l'arrêt). [...]
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