« Le pacte de préférence est l'une des figures les moins contraignantes des avant-contrats. » (Dimitri Houtcieff, professeur à la faculté de droit d'Évry). En effet, le promettant s'engage seulement à concéder une priorité au bénéficiaire, s'il décide de vendre son bien. A priori, le pacte, en lui-même, n'engendre aucune difficulté juridique. Pourtant, les débats doctrinaux démontrent que la situation n'est pas aussi simple. Pour preuve, focalisons-nous sur l'hypothèse de la violation du pacte par le promettant: plus concrètement, il s'agit de la situation dans laquelle le propriétaire du bien, objet du pacte, l'aurait vendu à un tiers, sans, au préalable, l'avoir proposé au bénéficiaire du pacte.
Telle est la délicate question à laquelle a été confrontée la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation, le 30 avril 1997. En l'occurrence, le 13 novembre 1990, la société Imprimerie H. Plantin a conclu un contrat de bail, dans lequel était inclus un pacte de préférence, avec l'association Médecins du Monde. Par ce contrat, le locataire se voyait conféré un droit de préemption, d'origine conventionnelle: le bail précisait qu' « en cas de vente de l'immeuble le droit de préemption sera en priorité accordé par le bailleur au preneur ». Or, malgré cet engagement, le 13 février 1991, le bailleur promettant vend son bien à un tiers, la société OFEI. Huit jours après cette vente, le nouvel acquéreur faisait une offre de vente des locaux au bénéficiaire du pacte, qui la refuse. Cependant, le 28 octobre, le bénéficiaire donne son accord pour acquérir les locaux, « la vente devant intervenir le 14 décembre 1991, au plus tard ». Puis il apprend que le nouveau propriétaire avait acquis les locaux pour un prix beaucoup plus intéressant; de ce fait, il se ravise et assigne le débiteur et le tiers en annulation de la vente et substitution de sa personne au lieu et place de l'acquéreur. Le 7 avril 1995, la Cour d'Appel de Paris lui donne satisfaction, en prononçant sa substitution. En effet, elle caractérise la mauvaise foi et la collusion frauduleuse du tiers et du promettant, et affirme que les droits du bénéficiaire sont opposables au tiers acquéreur. Ce dernier se pourvoit en cassation.
La Haute Juridiction doit alors se demander si le bénéficiaire d'un pacte de préférence violé peut obtenir du juge l'exécution forcée de la vente à son profit, c'est-à-dire qu'il puisse être substitué au tiers de mauvaise foi. Face à cette question, elle rappelle que le bénéficiaire peut uniquement obtenir des dommages et intérêts, en vertu de l'article 1142 du Code Civil. Elle semble passer outre la collusion frauduleuse et la mauvaise foi du tiers. En conséquence, elle censure la décision de la Cour d'Appel.
Par le biais de cette décision, nous avons un aperçu des différentes sanctions possibles pour la violation d'un pacte de préférence: soit les juges peuvent opter pour la substitution du bénéficiaire au tiers acquéreur de mauvaise foi, solution retenue par la Cour d'Appel, soit les juges peuvent, comme la Cour de Cassation en l'espèce, allouer des dommages et intérêts au bénéficiaire lésé (I). Il faut convenir que cette seconde solution parait pour le moins injuste, et réduit à néant la sécurité juridique qu'offrent les pactes de préférence. C'est certainement pourquoi, la Haute Juridiction n'a pas maintenu cette position. Mais même après avoir admis le principe de la substitution du bénéficiaire, elle n'a retenu cette solution que très rarement (II).
[...] Par le biais de cette décision, nous avons un aperçu des différentes sanctions possibles pour la violation d'un pacte de préférence: soit les juges peuvent opter pour la substitution du bénéficiaire au tiers acquéreur de mauvaise foi, solution retenue par la Cour d'Appel, soit les juges peuvent, comme la Cour de Cassation en l'espèce, allouer des dommages et intérêts au bénéficiaire lésé Il faut convenir que cette seconde solution parait pour le moins injuste, et réduit à néant la sécurité juridique qu'offrent les pactes de préférence. C'est certainement pourquoi, la Haute Juridiction n'a pas maintenu cette position. Mais même après avoir admis le principe de la substitution du bénéficiaire, elle n'a retenu cette solution que très rarement (II). I. Les sanctions de la violation d'un pacte de préférence La question que doivent, ici, résoudre les juges, porte sur la sanction du tiers acquéreur et sur la réparation qu'il faut accorder au bénéficiaire. [...]
[...] - Néanmoins, substituer le bénéficiaire au tiers acquéreur revient à conférer au juge un important pouvoir, puisqu'il peut constater un contrat, sans pour autant qu'il corresponde réellement à la volonté des parties, plus précisément à la dernière volonté du promettant. - Cependant, rappelons que dans le pacte de préférence, ce dernier a déjà donné son consentement. - Mais, au final, le nouvel acquéreur lui importe peu. Ce qui compte pour lui est de recevoir le prix des locaux. - Étant donné que la substitution est possible, pourquoi devrait-on se contenter de l'octroi de dommages et intérêts ? [...]
[...] Donc admettre la substitution revient à aller contre le texte même du Code Civil. Mais cette explication n'est pas la seule pour justifier la solution de la Cour de Cassation L'absence de la rencontre des volontés - Suite à l'arrêt de la Chambre Commerciale du 7 mars 1989, dans lequel la substitution était refusée, étant donné qu'il n'y avait pas collusion frauduleuse, la doctrine a été partagée. Certains faisaient valoir que le promettant n'avais pris aucun engagement de vendre au bénéficiaire, autrement dit il ne s'est engagé qu'à ne pas vendre ailleurs et doit conserver la liberté de ne pas vendre au bénéficiaire Mais ce point de vue ne justifie pas de la décision de la Cour de Cassation. [...]
[...] Cour de cassation, troisième chambre civile avril 1997 Le pacte de préférence est l'une des figures les moins contraignantes des avant-contrats. (Dimitri Houtcieff, professeur à la faculté de droit d'Évry). En effet, le promettant s'engage seulement à concéder une priorité au bénéficiaire, s'il décide de vendre son bien. A priori, le pacte, en lui-même, n'engendre aucune difficulté juridique. Pourtant, les débats doctrinaux démontrent que la situation n'est pas aussi simple. Pour preuve, focalisons-nous sur l'hypothèse de la violation du pacte par le promettant: plus concrètement, il s'agit de la situation dans laquelle le propriétaire du bien, objet du pacte, l'aurait vendu à un tiers, sans, au préalable, l'avoir proposé au bénéficiaire du pacte. [...]
[...] Houtcieff de parler de revirement indolore - Nous pouvons justifier cet aspect par la difficulté de prouver ces deux éléments. Il s'agit de preuves quasiment impossibles à obtenir. Cependant, en adoptant un point de vue différent, nous pourrions considérer comme une faute le fait que le tiers acquéreur ne recherche pas la présence d'un éventuel avant contrat (promesse de vente, ou pacte de préférence). Cette voie paraîtrait plus logique et éviterait la situation juridique de notre arrêt. - D'où cette interrogation légitime : verrons-nous un jour un bénéficiaire être substitué à un tiers acquéreur ? 2. [...]
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