Le droit des obligations, très formalisé et conditionné, est régi, à la base, par les lois de l'offre et de l'acceptation. Les pourparlers font exception à ce régime. C'est pourquoi engager la responsabilité d'un offrant qui se retire pendant ces négociations précontractuelles est très délicate. C'est justement ce qui pose problème à la SCI Longson et aux consorts XY.
La société Antinéas est en pourparlers avec la SCI Longson et les consorts XY concernant la vente d'un terrain sur lequel ces derniers envisagent de construire des logements. Les négociations n'aboutissant pas, la société à la base de l'offre conclue la vente avec un tiers, rompant ainsi toute transaction éventuelle avec ses partenaires originaux.
La SCI Longson et les consorts XY s'estiment victimes d'un préjudice causé par une faute qu'ils imputent à la société Antinéas, faute qu'elle aurait commise en rompant les pourparlers.
En conséquence, la SCI Longson et les consorts XY demandent réparation de leur préjudice par l'allocation de dommages et intérêts.
Rien, au sein de l'arrêt, ne permet de conclure sur l'issue de la première et, de ce fait, sur la partie interjetant appel.
Toutefois, la cour d'appel de Nouméa, le 29 juillet 2004, condamne la société Antinéas au payement de dommages et intérêts, accédant ainsi aux demandes conjointes de la SCI Longson et des consorts XY.
Les juges du fonds s'estiment en parfaite mesure d'évaluer le préjudice dont allèguent les demandeurs initiaux, préjudices qu'ils qualifient de perte d'une chance du fait de la rupture des pourparlers. De ce fait, ils s'estiment compétent pour en évaluer la réparation et donc pour estimer le montant des dommages et intérêts.
La société Antinéas se pourvoit en cassation en faisant grief à l'arrêt de la cour d'appel de Nouméa d'avoir considéré les pourparlers comme une promesse de vente dont la rupture entraîne un préjudice avec à sa base une faute.
Le problème qui se pose alors aux juges est de savoir si la rupture des pourparlers peut être qualifiée de faute ayant pour conséquence une perte de chance.
La cour de Cassation réunie en chambre civile, le 28 juin 2006, répond négativement au problème de droit qui lui est soumis. Elle souligne le caractère pré -contractuel des pourparlers suggérant ainsi le principe qui les gouverne selon lequel leur rupture peut se faire à tout moment tant que l'intention de nuire n'en est pas le moteur. Ainsi, la faute n'étant pas caractérisée, le préjudice allégué par la SCI et les consorts XY n'a pas de raison d'être à l'instar des dommages et intérêts dont la cour d'appel à exiger le payement à la société Antinéas. Notons que la cour de Cassation, ne statuant pas sur le premier moyen, celui-ci est écarté d'office.
En conséquence, l'arrêt de la seconde instance est partiellement cassé (la cour casse uniquement le second moyen qui se trouve être celui qui nous intéresse) et annulé, les parties sont renvoyées devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée.
Au vu de la réponse faite par la cour de Cassation au problème qui lui est soumis, on peut légitimement se demander si cette solution est la plus juste puisque quelqu'un allègue d'un préjudice lequel n'est pas réparé, aucune responsabilité n'étant engagée.
Pour analyser le plus justement possible cet arrêt et en saisir la « substantifique moelle », il faut se demander si la nature même de la faute n'est pas le cœur du problème du fait de sa qualification parfois hasardeuse puisque reposant sur des critères vastes (1), et ensuite s'intéresser au régime de la réparation du préjudice causé par un fait personnel qui ne trouve à s'appliquer que si le juge qualifie les éléments qui le composent (2).
[...] Il semble donc que c'est plus par nécessité que par volonté de nuire que la société Antinéas se retire, et par là retire son terrain, des négociations puisqu'au cours des pourparlers, aucun compromis satisfaisant n'est trouvé. Où est donc la faute dans le comportement d'Antinéas ? C'est ici que l'arrêt de la Cour de Cassation pose un problème. Rien, que ce soit dans les faits ou dans la solution même, ne permet de déduire qu'un acte fautif a été commis par la société Antinéas. Si on revient à la décision donnée par la cour d'appel de Nouméa, là encore le flou est présent. [...]
[...] Il doit s'agir d'un fait ou d'une abstention que le juge constate. Sur ce premier point, on peut regretter que le droit n'aille pas plus en avant dans la définition de ce comportement puisque laisser trop de pouvoir au juge est toujours source d'incertitude pour les justiciables et peut-être pour les magistrats eux- mêmes. Le second critère est la qualification. En effet, il faut que le comportement fautif puisse être qualifiable comme tel. Un problème se pose alors, comment s'apprécie la faute ? [...]
[...] La Cour de Cassation réunie en chambre civile, le 28 juin 2006, répond négativement au problème de droit qui lui est soumis. Elle souligne le caractère pré -contractuel des pourparlers suggérant ainsi le principe qui les gouverne selon lequel leur rupture peut se faire à tout moment tant que l'intention de nuire n'en est pas le moteur. Ainsi, la faute n'étant pas caractérisée, le préjudice allégué par la SCI et les consorts XY n'a pas de raison d'être à l'instar des dommages et intérêts, dont la cour d'appel à exiger le payement à la société Antinéas. [...]
[...] En effet, ils destinaient le terrain à la construction immobilière, mais peut-être n'auraient-ils pas fait les bénéfices escomptés et peut-être même qu'ils auraient perdu de l'argent si le terrain se révélait inconstructible ou si le secteur était peu propice à l'habitation. Ce ne sont là que des suppositions sans fondements, mais il faut avouer que la fortune des consorts XY et de la SCI Longson n'était pas une certitude de nature à caractériser un préjudice, trop d'éléments entrant en ligne de compte. Dès lors, si on considère cela, on comprend mieux la solution de la cour de cassation qui reconnaît une faute non fautive dans la rupture des pourparlers sans pour autant admettre le préjudice allégué. [...]
[...] La conclusion la plus logique à cette question d'existence de la faute à laquelle est soumise l'existence du préjudice serait de prendre le parti que la cour n'a pas considéré la faute comme fautive. Cela expliquerait également la cassation partielle puisque les juges du droit réfutent le préjudice allégué par les défendeurs. Si la faute n'est pas fautive alors le préjudice ne peut-être considéré et les réparations financières allouées par la Cour d'appel aux consorts XY et à la SCI Longson n'ont plus lieu d'être. [...]
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