Aujourd'hui la notion de présomption de faute a fait place à la présomption de responsabilité. Finalement dans une troisième phase, l'œuvre prétorienne s'est attachée à aménager les conditions de cette responsabilité et c'est d'ailleurs sur ce point que porte le problème posé par l'arrêt rendu le 25 novembre 2004 par la seconde chambre civile de la Cour de cassation.
En l'espèce, la victime d'une chute dans les escaliers d'une société avait assigné celle-ci en réparation de son dommage sur le fondement de l'article 1384 al 1er du Code civil. Déboutée de sa demande par les juges du fond, elle faisait valoir devant la Cour de cassation que le gardien de l'escalier était responsable de son dommage au motif que l'escalier présentait une anormalité parce que particulièrement glissant, dépourvu d'une seconde rampe et composé d'une marche présentant un veinage du bois différent des autres marches. La Haute Cour rejette cependant sa demande et approuve les juges d'appel d'avoir considéré que la preuve du rôle actif de la chose dans la résiliation du dommage n'était pas ici rapportée.
Ainsi, eut égard à la solution de la Cour de cassation, il semble nécessaire de s'interroger sur la place de cet arrêt dans la jurisprudence de la Haute cour. Il s'agira de savoir dans quelle mesure il renoue avec la jurisprudence classique tout en présentant certains éléments de nouveauté.
[...] Cour de cassation, seconde chambre civile novembre 2004 - les conditions de la responsabilité du fait des choses A la fin du 19e siècle, le développement du machinisme fit apparaître des situations où il était impossible de déterminer qui avait commis la faute génératrice du dommage, comme l'exige le droit de la responsabilité délictuelle. Pour indemniser les victimes, il fallait trouver un autre fondement à cette responsabilité et c'est ainsi que l'article 1384 alinéa 1er est devenu le fondement jurisprudence de la responsabilité du fait des choses. [...]
[...] Cette attitude prétorienne, confirmée dans l'arrêt commenté, est certainement préférable à celle qui eut permis d'engager la responsabilité du gardien à partir de la preuve d'un simple contact matériel entre la chose et le dommage. Une exigence de causalité active et qualifiée à travers l'anormalité du comportement ou de la position de la chose parait indispensable pour maintenir la sévère responsabilité de l'article 1384 al 1er du Code civil dans des limites raisonnables. Celle-ci est dans doute assez objective et d'application assez large pour que les juges n'aggravent pas d'avantage encore la responsabilité du gardien. [...]
[...] La cour avait en effet engagé la responsabilité du gardien de la boite aux lettres en dépit du fait qu'elle était normalement implantée, en raison du dommage qu'elle avait causé à un passant qui s'y était heurté. Ce mouvement jurisprudentiel tend fortement à aggraver la responsabilité du gardien et à l'empêché de pouvoir invoquer le rôle passif de la chose comme cause exonératoire. Ainsi, au regard de ces éléments, on ne peut que constater la différence qu'il existe entre ces arrêts évoqués et l'espèce commentée. En effet, dans l'arrêt du 24 novembre 2005, il semble évident que les juges ne considèrent pas l'escalier comme l'instrument du dommage permettant d'engager la responsabilité de son gardien. [...]
[...] En effet, si cette solution classique semble parfaitement admise, il n'en demeure pas moins que la 2e chambre civil avait, dans une jurisprudence antérieure, effectué un revirement remarqué en ne semblant exiger qu'une intervention de la chose, sans que son rôle actif soit nécessaire. Ce fut notamment le cas d'un arrêt rendu le 15 juin 2000 concernant une paroi vitrée. Dans cet arrêt, il était affirmé une chose inerte ne peut être l'instrument d'un dommage si la preuve qu'elle occupait une position anormal est pas apportée conformément à la conception classique des critères de la responsabilité du fait des choses. [...]
[...] En effet, il faut noter que l'arrêt du 24 novembre 2005 est dans la parfaite continuité d'un arrêt du 7 mai 2002 de la 2e chambre civil de la Cour de cassation en déboutant une victime de sa demande au motif que l'escalier qu'elle avait emprunté n'était pas glissant et que l'absence de main courante ne pouvait faire conclure à la dangerosité de l'escalier (d'autres arrêts ont confirmé la recherche de ces éléments en matière de responsabilité du gardien d'un escalier : Cass lre 9 juillet 2002 et Cass 2e 11 juillet 202). En effet, on ne peut pas reprocher à l'escalier d'exister (comme on peut reprocher à un bloc de béton d'être placé sur la route (Cass 2e septembre 2003)), on peut seulement lui reprocher ne pas remplir les critères normaux de sécurité. Cette différence majeure renforce l'idée selon laquelle la solution classique de la responsabilité du fait des choses est vraisemblablement la meilleure. [...]
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