L'article 2279 du Code civil joue un rôle probatoire et un rôle acquisitif, l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 4 décembre 1990 s'attache à sa fonction probatoire.
M. Bouchon, âgé de 74 ans, et atteint d'une cécité totale, a engagé comme dame de compagnie, Mme Allanic, qui a été à son service du 1er septembre 1983 jusqu'au 31 janvier 1985, date de son licenciement. Au cours de cette période, M. Bouchon avait acquis pour ses déplacements personnels un véhicule automobile qu'elle devait conduire. Mais, suite à son licenciement, elle a refusé de restituer la voiture en question, dont M. Bouchon était propriétaire, mais dont elle était possesseur.
M. Bouchon a alors réclamé le remboursement du prix de la voiture. La cour d'appel de Poitiers dans un arrêt du 28 juillet 1988 a condamné celle-ci à régler le montant de la valeur du véhicule, à la date à laquelle sommation lui avait été faite de la restituer.
Elle a alors formé un pourvoi en cassation aux motifs que les juges du fond l'ont condamné à rembourser la valeur de l'automobile en inversant la charge de la preuve car c'est au demandeur de démontrer le bien fondé de ses prétentions. Et, celui-ci a reconnu par écrit qu'il avait lui avait fait don de la voiture litigieuse. Elle fait notamment grief à l'arrêt d'avoir fondé sa décision sur des motifs dubitatifs en se bornant à constater que les conventions des parties comportaient "des ambiguïtés", qu'elle n'invoquait que des hypothèses, ne démontrait ni l'existence d'un don manuel, ni la réalité d'une rémunération de services, par la remise du véhicule litigieux.
La Cour de cassation a donc dû se demander qui du possesseur ou du propriétaire, en cas de don manuel, devait prouver le don.
La Cour de cassation dans cet arrêt a répondu que c'était au possesseur. Elle a ainsi rendu un arrêt de rejet confirmant la position de la cour d'appel.
La Cour de cassation montre qu'en l'espèce la possession est équivoque (I) et opère un renversement de la charge de la preuve (II)
[...] Mais la Cour de cassation a rejeté son pourvoi et a considéré que les juges du fond avaient souverainement apprécié le fait que sa possession était équivoque, et qu'elle ne pouvait donc pas invoquer le bénéfice de l'article 2279 du Code civil. Et, en conséquence, la Cour de cassation a considéré que la cour d'appel n'avait pas inversé la charge de la preuve en estimant qu'il revenait à la demanderesse de prouver le don manuel. L'obligation de prouver le don pèse donc sur celui-ci qui prétend bénéficier d'un don manuel ici. [...]
[...] Bouchon, celui-ci étant aveugle, et ne pouvant donc pas conduire. La seule communauté de vie fait peser un doute sur le caractère univoque de la possession, cependant il est possible que la présomption de l'article 2279 du Code civil joue si le possesseur parvient à prouver le don manuel, mais c'est en général très difficile. Et, en l'espèce l'existence d'un don manuel n'est pas rapportée. La communauté de vie entre le défendeur et le demandeur empêche donc la demanderesse de bénéficier de l'article 2279 du Code civil. [...]
[...] Bouchon, âgé de 74 ans, et atteint d'une cécité totale, a engagé comme dame de compagnie, Mme Allanic, qui a été à son service du 1er septembre 1983 jusqu'au 31 janvier 1985, date de son licenciement. Au cours de cette période, M. Bouchon avait acquis pour ses déplacements personnels un véhicule automobile qu'elle devait conduire. Mais, suite à son licenciement, elle a refusé de restituer la voiture en question, dont M. Bouchon était propriétaire, mais dont elle était possesseur. M. [...]
[...] La possession de Mme Allanic apparaît revêtir les caractères paisible et public, car elle ne s'est pas emparée de la possession avec violence et elle ne se cachait pas. Mais, sa possession n'est pas univoque. En effet, la Cour de cassation a considéré, tout comme la cour d'appel que la possession du véhicule dont se prévalait Mme Allanic était équivoque en raison de l'usage personnel que M. Bouchon devait faire de cette voiture. Sa possession n'est donc pas efficace. Comme la possession est équivoque, et donc inefficace, la présomption de l'article 2279 du Code civil ne peut pas jouer. B. [...]
[...] La possession de la demanderesse est équivoque du fait de la communauté de vie, et rien ne prouve qu'elle ait effectivement reçu le meuble en donation. L'écrit invoqué par la demanderesse pour prouver son titre de propriété, et selon lequel le défendeur reconnaîtrait lui avoir fait don de la voiture n'emporte pas la conviction des juges du fond. La cécité du défendeur a dû jouer un rôle ici. Peut-être lui a-t-elle fait signer ce papier sans qu'il sache de quoi il s'agissait ? En raisonnant ainsi, les juges du fond approuvés par la Cour de cassation ont inversé la charge de la preuve. [...]
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