Une rédactrice salariée d'un éditeur avait réalisé pendant ses heures de travail un dictionnaire intitulé « Mini débutant ». Selon une convention du 21 juin 1984, l'éditeur s'engageait à la rémunérer au titre de ce travail, tandis que la salariée reconnaissait la propriété de son employeur sur tous les droits d'exploitation de l'ouvrage. Licenciée en 1996, la rédactrice assigne son ancien employeur l'année suivante en nullité de la convention pour violence ayant alors vicié son consentement : elle aurait été contrainte de signer cet accord, qui lui était défavorable, en raison de l'existence à l'époque d'un plan social qui lui faisait craindre de perdre son emploi.
Le problème de droit qui se pose à la Cour de cassation est donc le suivant : quelles sont les conditions par lesquelles la contrainte économique peut entraîner la nullité du contrat pour vice de violence ? Le critère de dépendance économique subit par un cocontractant peut-il suffire pour entrainer la nullité du contrat pour vice de violence ?
[...] En effet, il semble acquis que le salariat implique la dépendance économique, la subordination d'un salarié à un employé étant la marque caractéristique de cette situation. La dépendance économique est la situation dans laquelle se trouve une personne par rapport à une autre dont l'existence ou la survie économique est subordonnée au maintien de la relation contractuelle. Cette définition implique que la partie dépendante ne dispose d'aucune solution de remplacement équivalente. En l'espèce, il n'est pas évident que Mme K se trouvait en situation de dépendance économique. [...]
[...] puis indique un préalable nécessaire et fondamental : l'existence d'une situation de dépendance économique Emergence d'une nouvelle violence : la violence économique L'article 1109 du Code civil dispose qu'il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol La violence affecte la phase d'expression du consentement : la victime de la violence a conscience qu'elle va réaliser une opération dont elle ne veut pas mais la pression qui s'exerce sur elle la conduit à déclarer le contraire de ce qu'elle pense. Cette pression peut être physique ou morale. Cependant lorsqu'on regarde la jurisprudence, on s'aperçoit que les exemples sur les violences physiques sont très peu nombreux. La violence morale en revanche est beaucoup plus présente. Depuis quelques années, on rejoint une forme plus moderne de la violence qu'est la violence économique. Il s'agit d'une situation dans laquelle l'un des cocontractants aabusé de sa supériorité économique et de la faiblesse de son cocontractant pour obtenir la conclusion du contrat. [...]
[...] Si tel était le cas, si la condition de dépendance économique suffisait, la sécurité juridique ne serait plus assurée puisque n'importe qui, qui verrait un déséquilibre dans le contrat, aurait la possibilité, et sans difficulté, d'invoquer la contrainte économique comme violence, vice de consentement entrainant la nullité du contrat. Or, selon la Cour de cassation, le 3 avril 2002, la condition de dépendance économique est une condition nécessaire mais pas suffisante : encore faut-il qu'il y ait abus de cette situation, seule l'exploitation abusive de cette situation de dépendance économique, [ . peut vicier de violence son consentement (II). [...]
[...] Cette justice agit sur le fait que les cocontractants parties au contrat ne sont pas forcément dans une relation d'équilibre comme l'annonce par essence la théorie de l'autonomie de la volonté, que les hommes égaux entre eux ne pouvaient être que justes, que ce qui était contractuel était forcément juste. Cette justice affirme au contraire que chacune des relations contractuelles n'est pas forcément dans une situation équilibrée où chacun aurait donné son consentement librement mais que ces relations peuvent être déséquilibrées. Il y a une partie forte, et une faible. Cette justice va agir en ce sens en essayant de protéger chacun des consentements, que ce soit le consentement émane de la partie faible comme celui de la partie forte. [...]
[...] En effet, si elle précise que la violence économique, pour être invoqué, doit avoir faire l'objet d'une exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, elle va d'emblée dans le mouvement de justice contractuelle. Justice contractuelle qui va non seulement protéger le consentement de la partie subordonnée au contrat mais aussi le consentement du cocontractant dominant. La justice contractuelle n'est pas contradictoire avec la sécurité juridique, elle est au contraire la condition de la légitimité du principe de la force obligatoire du contrat. La justice contractuelle est d'ailleurs une facette de la bonne foi. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture