Arrêt du 28 mars 2000 de la première chambre civile de la Cour de cassation, contrat de prêt, prêteur professionnel, article 1874 du Code civil, société Fiatgeotech, société Sanlaville, directive n 2011/83 du 25 octobre 2011, article L511-1 du Code monétaire et financier, article 1128 du Code civil, ordonnance du 14 mars 2016, articles L.312-1 et suivants du Code de la consommation, commentaire d'arrêt
Le Code civil dans son article 1874 prévoit deux sortes de prêts, à savoir "celui des choses dont on peut user sans les détruire ; et celui des choses qui se consomment par l'usage qu'on en fait". La première espèce s'appelle "prêt à usage", ou "commodat". La seconde a pour nom "prêt de consommation" ou simplement "prêt". L'arrêt rapporté repose sur le second prêt, lequel concerne les choses qui se consomment par l'usage que l'on en fait. En effet, les faits matériels révélés font état d'un achat d'un matériel agricole effectué le 21 février 1992 par M. Daniel X en sa qualité d'agriculteur à la société Sanlaville. Ledit matériel devait alors être fourni par la société Fiatgeotech, tandis que pour le financement du montant de l'achat devait être assuré à hauteur de 700 000 francs par un prêt consenti par la société UFB Locabail.
Ainsi, cette dernière s'était engagée à verser directement à la société Sanlaville le montant du prêt sur simple avis qui lui serait fait par le vendeur de la livraison du matériel, sous condition, néanmoins, de l'adhésion de Monsieur X à une assurance-vie. Monsieur Daniel X fait parvenir le 31 mars 1992 à la société UFB Locabail le dossier d'adhésion à la garantie d'assurance-vie, mais il décède accidentellement le 4 juin 1992. Toutefois, la société Sanlaville adresse le 22 juin suivant, le bon de livraison du matériel. Seulement, une contestation étant née sur la qualité du matériel livré et la société UFB Locabail, présentement le prêteur ayant dénié devoir financer l'opération, les héritiers de Monsieur X ont assigné la société Sanlaville, prise en la personne de son liquidateur judiciaire et la société UFB Locabail, pour faire prononcer la résiliation de la vente et, subsidiairement, condamner la société UFB Locabail à verser à la société Sanlaville le montant du prêt.
[...] Une transformation conséquente de la formation du contrat « L'arrêt attaqué, qui relève que la proposition de financement avait été signée par Daniel X. et que les conditions de garanties dont elle était assortie étaient satisfaites, retient, à bon droit, que la société UFB Locabail était, par l'effet de cet accord de volonté, obligée au paiement de la somme convenue » Tout d'abord, il est fort opportun de rappeler que désormais avec la solution de l'espèce, la promesse de prêt consenti par un professionnel vaut contrat de prêt. [...]
[...] Conclusion Le contrat de prêt d'argent consenti par un professionnel constitue ainsi une exception jurisprudentielle aux contrats de prêt de sorte qu'il subsiste désormais une séparation des régimes entre contrats de prêt fondé sur la qualité du prêteur. En effet, le contrat de prêt consenti par un prêteur particulier demeure un contrat réel, lequel ne se forme que par la remise des fonds. Cette novation opérée par la jurisprudence connaîtra-t- elle une extension vers tous les contrats de prêt d'argent, de sorte que le critère ne serait plus subjectif, mais objectif, savoir une appréciation in abstracto reposant sur l'accord de volonté ? [...]
[...] Cette clause aura ainsi, comme le dispose l'article 1879 du Code civil, de priver les héritiers de continuer de jouir de la chose prêtée. En l'espèce, le décès de l'emprunteur ne mettait pas fin au contrat, par conséquent, il ne pouvait être soutenu que ce dernier a été conclu intuitu personae. Enfin, comme l'avait rappelé l'avocat général à la Cour de cassation, Maître Jerry Sainte-Rose, la doctrine ainsi que l'évolution de la législation en matière de consommation ont fait que le contrat réel soit considéré comme « une survivance désuète et inutile », ce qui a pour conséquence de dire que cette évolution novatrice par laquelle le contrat de prêt ne revêt plus la forme d'un contrat réel était prévisible. [...]
[...] En outre, la question de la preuve demeure quelque peu problématique pour le prêteur. En effet, la jurisprudence, à l'exemple d'un arrêt rendu le 27 juin 2006 par la première chambre civile de la Cour de cassation, considère que le prêt consenti par un professionnel en raison de sa nature consensuelle peut être prouvé par l'établissement d'un accord de volonté. Cependant, il appartient au prêteur qui sollicite l'exécution de l'obligation de restitution de l'emprunteur d'apporter la preuve de l'exécution préalable de son obligation de remise des fonds, ainsi il a été jugé par la première chambre civile de la Cour de cassation du 14 janvier 2010. [...]
[...] Cependant, la société UFB Locabail se pourvoit en cassation. En effet, la société fait grief à l'arrêt attaqué de ne pas avoir respecté la nature juridique du contrat de prêt prévu par l'article 1892 du Code civil. Soutenant qu'en l'absence de remise des fonds avant le décès de l'emprunteur, ledit contrat n'aurait pu être formé. Ensuite, elle soutient que le contrat en question était conclu intuitu personae de sorte que le contrat initialement conclu au bénéfice de Monsieur Daniel X. [...]
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