Le dirigeant social d'une société, marié sous le régime de la communauté légal, avait consenti au créancier social une garantie à première demande sans qu'y soit expressément adjoint l'accord de son épouse. Tantôt, le bénéficiaire avait été autorisé, par ordonnance de référé, de procéder à la saisie-vente de biens meubles appartenant au couple en exécution de l'engagement souscrit par l'époux. Pour prononcer la nullité de l'ordonnance, la Cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 13 novembre 2003) avait relevé que « la garantie à première demande s'apparentant à un cautionnement, l'article 1415 du Code civil faisait obstacle à ce que [le créancier] exécute sur des biens communs des époux la condamnation prononcée par la juge des référés ».
C'est sur ce point que la Cour régulatrice fût saisie d'un pourvoi. À l'appui de celui-ci, le créancier faisait valoir que les « dispositions dérogatoires » de l'article 1415 du Code Napoléon ne visant que les « cautionnements et emprunts » ne sauraient être étendues à la garantie autonome. Partant, l'article 1415 du Code civil est-il applicable à la garantie à première demande ?
[...] Aussi, d'aucuns avaient proposé à ce titre de remplacer la formulation de l'article 1415 du Code civil pour y établir, comme critère d'application, celui de l'affectation [sous entendu des biens communs] (J. Mestre, E. Putmann et M. Billiau, Droit commun des sûretés réelles in LGDJ p. 76). À la vérité, cette formulation déséquilibre sans doute le rapport créancier-garant personnel dans la mesure où elle viserait de facto à faire de l'article 1413 du Code civil une exception au principe de l'article 1415; comme on a pu le remarquer, dire que le critère d'application du précédent article était double (être une sureté personnelle et affecter potentiellement les biens communs) était déjà un non-sens dans la mesure ou la souscription d'une sureté personnelle menace nécessairement les biens communs (voir supra Ib). [...]
[...] Le risque d'un déséquilibre dans le droit des suretés par l'application extensive des règles protectrices de la caution L'arrêt, à l'aune du contexte de rapprochement dans lequel il s'insère, n'étonne pas. À la vérité, il marque sans doute une étape significative dans la mesure où jusqu'alors l'application des mesures du cautionnement à la garantie autonome allait, la plupart du temps, de soi. Aussi n'était-il pas étonnant que la garantie à première demande fût soumise à l'exigence de la mention manuscrite de l'article 1326 du Code civil (Confer Com; 10 janv. 1995) en tant qu'il constitue un engagement unilatéral. [...]
[...] On a pu constater en effet une tendance assez cyclique, au sein de la Cour de cassation, a restreindre la portée de certaines garanties primitives (confer D.legeais, Sureté et garantie du crédit, lgdj manuel, nº21), et ce, à plus forte raison -s'agissant de la garantie autonome- que, depuis que celle-ci fait parti des contrats nommés par le Code civil (ord.23 mars 2006) elle sera d'utilisation plus courante (sur ce constat V. Brémond, L'affectation d'un bien commun en garantie de la dette d'un tiers JCP N 2006, 1255). En outre, la solution aura sans doute pour vertu, comparativement au caractère comminatoire de la garantie, d'éviter le recours systématique à la garantie autonome au sein de la pratique bancaire qui pour éviter les rigueurs de l'article 1415 du Code civil avait pris pour habitude de se ranger du côté de la garantie à première demande (sur ce constat. Y Picot préc.). [...]
[...] D'évidence, il est parfaitement illogique de faire échapper à l'article 1415 du Code civil la garantie à première demande. On le conçoit en effet, la solution de l'article 1415 du Code civil est iminément protecteur du garant -pris dans un sens général-. Or, la garantie à première demande est dangereuse, sans doute plus dangereuse encore que le contrat de cautionnement (sur ce constat, Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière : Dalloz, 4e éd 293). [...]
[...] Au vrai, le pourvoi ne posait pas tant une question de position politique -au sens premier du terme- que de pure technique juridique quant à savoir s'il s'agissait d'adopter une interprétation stricte ou extensive de la lettre de l'article 1415 du Code civil. On rappellera en effet qu'en application de cet article, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres Si l'on apprécie la solution à l'aune du contexte législatif au moment où le juge du quai de l'horloge avait à statuer, une conception lâche de l'article 1415 qui est ici reprise n'était pas inopportune en soi. [...]
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