« Culpa est immiscere se rei ad se non pertinenti »(Il y a faute à s'immiscer dans les affaires d'autrui). Cet adage qui définit sommairement la gestion d'affaire inopportune semble être au cœur de l'arrêt de rejet rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 16 janvier 2007.La gestion d'affaires est l'acte par lequel une personne, le gérant d'affaires, s'immisce dans les affaires d'une autre, le maître de l'affaire ou géré, sans en avoir reçu l'ordre et pour lui rendre service.
La société en nom collectif "Etude généalogique P" a assigné Mme Liliane X en paiement d'honoraires au titre d'un contrat de révélation de sa qualité d'héritière de sa tante paternelle décédée Orféa Z.
Par un arrêt du 21 juin 2005, la Cour d'appel a débouté le cabinet de sa demande, en manque de base légale au regard de l'article 1347 du code civil, un écrit non signé par la partie à laquelle on l'oppose pouvant néanmoins valoir comme commencement de preuve par écrit lorsqu'elle s'en est approprié le contenu de manière expresse ou tacite, c'est-à-dire par des actes subséquents attestant de son adhésion à celle-ci, sans qu'il soit opérant de retenir en outre que de tels faits ne pouvaient valoir, au sens de l'article 1338 du même code, confirmation du contrat prétendument nul.
Les juges de la Cour de cassation ont dû se poser les questions suivantes:
Un écrit non signé par la partie à laquelle on l'oppose peut il servir de preuve d'un engagement de la part de cette celle ci?
Peut il y a avoir gestion d'affaire lorsque la révélation de l'ouverture d'une succession par un généalogiste devait parvenir à l'héritier indépendamment de son intervention?
Par son arrêt du 16 janvier 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation considère que la Cour d'appel a relevé que l'offre de contrat de révélation de succession adressée par le cabinet de généalogistes avait été renvoyée par sa destinataire sans la signer avec les seules inscriptions de la date et la mention "lu et approuvé" ; et que l'intéressée avait ensuite refusé de signer au bénéfice du cabinet une procuration réclamée par lui pour procéder à la levée des scellés et la représenter à tous les stades de la liquidation successorale. C'est donc à bon droit que la Cour d'appel refuse de qualifier d'acte sous seing privé ce document et retient qu'il ne faisait pas preuve d'un engagement à payer des honoraires.
Lorsque les juges constatent que la révélation de l'ouverture d'une succession devait normalement parvenir à l'héritier indépendamment du fait d'un généalogiste intervenu, leur refus de retenir la gestion d'affaires de ce dernier ne peut leur être reproché.
Le cabinet de généalogistes a dans un premier temps utilisé l'argument d'un contrat dans le but de toucher ses honoraires. Toutefois, la Cour de cassation considère que l'écrit qui constate l'existence d'un contrat contient un vice de forme, ce qui ne permet pas de prouver un engagement de la part du co-contractant(I). Il a ensuite prévu une solution de secours à savoir la gestion d'affaire au cas où l'argument du contrat ne convaincrait pas les juges. La Cour retient in concreto que l'absence d'utilité de la gestion écarte l'hypothèse d'une gestion d'affaire(II).
[...] C'est ce qu'a décidé la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 27 janvier 1993. Ainsi, la mention manuscrite "lu et approuvé" est une formalité dépourvue de toute portée, elle est superfétatoire. Il ne suffit pas d'établir l'accord du co-contractant. Or, cet acte sous seing privé, comme son nom l'indique , tire toute sa valeur de la signature des parties intéressées dont il est revêtu. C'est ainsi qu'en l'espèce cet écrit n'a pas valeur de preuve parfaite que l'article 1322 confère aux actes sous seing privé. [...]
[...] Dès lors, Mme Liliane X ne pouvait manquer d'apprendre à plus ou moins brève échéance le décès de sa tante paternelle sans que l'intervention du généalogiste ne soit nécessaire, opportune. De cette analyse factuelle, la Cour de cassation considère ainsi que la cour d'appel a écarté la gestion d'affaires en justifiant en fait des moyens par lesquels Mme Liliane X aurait pu avoir d'elle-même connaissance du fait révélé par le généalogiste. Par conséquent, l'intervention du cabinet de généalogie ne présentait pas d'utilité requise pour l'héritière. [...]
[...] Une solution jurisprudentielle heureuse La solution des juges de cassation confirme la position de la Cour de Cassation sur le terrain de la gestion d'affaires dans le cadre d'une révélation de succession par un généalogiste. Dans un arrêt du 31 mai 1995, la première chambre civile avait déjà considéré que le généalogiste qui est parvenu par son activité professionnelle à découvrir les héritiers d'une succession ne peut prétendre, en l'absence de tout contrat, à une rémunération de ses travaux, sur le fondement de la gestion d'affaires, que s'il a rendu service à l'héritier. [...]
[...] En effet, il ne saurait y avoir gestion d'affaires quand un contrat donne déjà mission à celui qui se prétend gérant de s'occuper des dites affaires. [...]
[...] Les tribunaux font preuve d'une sévérité mesurée, du faire de la nature bénévole de la gestion. Bien que l'article 1375 du Code Civil indique simplement que "le maitre dont l'affaire a été bien administrée " est obligé à remboursement , on déduit de cette mention une condition essentielle pour reconnaitre un droit à remboursement au profit du gérant: l'utilité de sa gestion. Le terme utilité doit être précisé. Il faut qu'au moment où la gestion a été entreprise l'acte ait été opportun(Cass civ 1re 3 mai 1955 bull civ n°179). [...]
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