Par un arrêt en date du 16 janvier 1962, la première chambre civile de la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur la possibilité pour le propriétaire d'un animal d'obtenir, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la réparation de son préjudice moral causé par la perte de sa bête.
En l'espèce, le propriétaire d'un animal de compétition, un cheval, a donné ce dernier en location à un entraîneur pour qui le fasse participer à des courses organisées par une société hippique.
Le président de cette société hippique met à la disposition de l'entraîneur un box de son écurie pour y faire loger le cheval. Dans ce box l'animal a saisi avec la mâchoire le fil d'une lampe mobile et a été électrocuté. Le propriétaire, suite à la perte de son animal décide d'assigner la société hippique, le président de cette dernière ainsi que l'entraîneur et cela afin d'obtenir par le paiement de dommages et intérêts la réparation de son préjudice matériel et moral.
[...] L'animal reste dans notre droit une chose et non une personne, toutefois, l'animal est sous certains points en voie de personnification, c'est le passage de l'animal-objet à l'animal- sujet C'est toute cette ambiguïté de la situation de l'animal qui ressort de cet arrêt. En l'espèce, le propriétaire du cheval est dédommagé comme s'il avait perdu une chose, mais aussi comme s'il avait perdu une personne. Il obtient, en effet, à la fois un dédommagement pour recouvrer la valeur vénale de l'animal, mais aussi un dédommagement pour son préjudice moral subi. La première Chambre civile de la Cour de cassation a donc largement admis la réparation du dommage moral dans son jugement du 16 janvier 1962. [...]
[...] Cette solution s'explique, car dans la mesure où, faisant remplir par l'indemnité une fonction de peine privée, ils ont estimé que l'attitude de l'auteur du dommage était nettement répréhensible. En l'espèce, nous sommes dans cette hypothèse ou un préjudice moral, la perte affective d'un animal cher, coexiste avec un préjudice patrimonial, la disparition du bien. C'est ce qui justifie qu'à l'indemnité de francs visant à réparer le préjudice financier que représente la perte du bien, s'ajoute une somme supplémentaire de francs pour soulager la douleur subie par la mort du cheval. [...]
[...] En l'espèce, la Cour de cassation à travers son arrêt a jugé que le dommage matériel dont souffre le propriétaire de l'animal correspond non pas à la perte de gain éventuel que le cheval aurait pu rapporter dans l'avenir en participant aux courses hippiques, mais à sa valeur vénale. La somme de francs versée, à titre dommages et intérêts, au requérant pour la perte subie de son animal équivaut donc à l'indemnisation nécessaire pour combler son appauvrissement et lui permettre d'acheter une autre bête possédant les mêmes qualités. [...]
[...] Il écrit que des juristes enfin, qui compareront cette décision avec celles qui refusent toute indemnité à la fiancée accablée par le décès de son promis sous le prétexte qu'elle ne soutenait un lien de parenté ou d'alliance [ ] quel est exactement le degré du lien de parenté ou d'alliance que le cheval soutenait avec son maître Dans ce contexte il apparaît aux yeux de ce professeur comme étant impossible que cet arrêt soit défendu de façon sérieuse tant que la première Chambre civile n'abandonne pas la solution qu'elle a admise contre l'action des fiancés. Il tient également à préciser l'incohérence de la jurisprudence de cette Chambre comparée à celle de la Chambre criminelle qu'elle n' exige aucun lien de parenté ou d'alliance ce qui lui permet d'accueillir la demande des fiancées (arrêt du 5 janvier 1956 de la Ch. Crim.), comme celles des parents nourriciers (arrêt du 30 janvier 1958 de la Ch. Crim.). [...]
[...] Il dénonce par ailleurs le montant alloué en l'espèce en compensation du préjudice moral qui s'élève à francs. Une somme qui selon lui est élevée et honteuse quand on sait qu'à cette époque qu'elle correspond à trois mois de salaires d'un ouvrier [ ] est supérieure à celle dont les 2/3 des hommes disposent pour satisfaire l'ensemble de leurs besoins pendant un an [ ] est le triple de celle dont disposent la moitié des hommes dans le monde Il conclut sa note pour résumer cet arrêt avec une citation d'une prière de Cheikh Hamidou Kane, dans l'Aventure ambiguë, qu'il prête au père de son héros : Que Ta main s'abatte, lourde, sur la grande inconscience. [...]
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