Selon l'expression consacrée de Loïc Cadiet, le régime de la responsabilité civile est emprunt de l'« idéologie de la réparation ». Cette conception pousse toute personne victime d'un dommage quelconque à demander la réparation de son préjudice, quelles qu'en soient la nature et la gravité. C'est à une telle demande qu'a dû répondre la chambre civile de la Cour de cassation le 16 janvier 1962.
En effet, se présente à la Cour de cassation le cas d'un propriétaire et du locataire d'un animal demandant réparation des différents dommages subis du fait de la perte de celui-ci. Ceux-ci demandaient en effet rétablissement des préjudices économiques, subis du fait de la perte de la valeur vénale de l'animal et de la perte de chance de réaliser des gains, mais aussi du préjudice moral découlant de la perte de l'animal. Il s'agit donc pour la Cour d'examiner selon quelles modalités la perte d'un animal peut constituer un préjudice moral juridiquement réparable.
[...] Il faut cependant se garder de conclure trop rapidement que cet arrêt rend réparable tout préjudice moral. D'une part, il ne s'agit que d'un arrêt de cassation partielle, rejetant le moyen invoqué sur ce point. De plus, par son attendu, la Cour estime qu'un tel préjudice est susceptible de donner lieu à réparation dont l'estimation relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Si une indemnisation a été accordée en l'espèce, cela ne signifie pas que tout requérant invoquant un préjudice moral du fait de la perte de son animal puisse obtenir les dommages-intérêts espérés. [...]
[...] Par conséquent, une personne peut obtenir réparation du préjudice moral subi du fait du décès de son concubin. En outre, suite à un arrêt de 1975 et à la Loi du 11 juillet 1975, cette solution a été étendue au concubinage adultérin. Enfin, la chambre mixte a affirmé que toute personne victime d'un dommage, qu'elle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir réparation de celui qui l'a causé par sa faute (Cass.ch.mixte avril 1976 Ainsi, la réparation du dommage moral s'effectue sans tenir compte de la cause du préjudice subi ; cette question relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond, ceux-ci auront la tâche de veiller à ce que ces indemnisations ne soient pas excessives. [...]
[...] Cependant, cette solution met en exergue le pouvoir considérable que détiennent les juges pour accorder ou non la réparation d'un préjudice. Le choix de réparer le préjudice moral et non la perte de la chance peut sembler arbitraire, d'autant plus que la réparation du préjudice moral reste, en 1962, encore réservée à certains cas seulement. Le choix d'accorder la réparation du préjudice moral en considération d'éléments uniquement subjectifs peut se comprendre dans la mesure où le préjudice moral est, par essence, subjectif. [...]
[...] En effet, aux termes de l'article 528 du Code civil, les animaux sont des biens meubles, et ont donc une valeur patrimoniale estimable. Cette indemnisation du préjudice purement matériel établit donc la nature même de l'animal, qui ne peut être considéré que comme un meuble. En effet, l'article 16-1 C.civ alinéa 3 dispose que le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial Admettre la réparation du préjudice économique subi du fait de la perte de l'animal montre que celui-ci, même vivant, ne peut être confondu avec une personne humaine. [...]
[...] L'inéquité de cette solution montre bien à quels méfaits peut conduire l'idéologie de la réparation selon l'expression de Loïc Cadiet. Le rappel à l'ordre opéré par le législateur et la jurisprudence Alors que la jurisprudence privilégie, au prix de solutions iniques, la réparation de la victime, la justice appelle à la modération de ces condamnations. D'une part, dans son approche réparatrice, la cour d'Appel avait tenu à condamner solidairement les responsables du dommage. Cela signifie que chacun des responsables aurait pu être contraint de verser la totalité des dommages et intérêts auxquels l'ensemble des auteurs ont été condamnés. [...]
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