L'article 2037 du code Civil, apprécié comme l'un des moyens de recours de la caution à l'égard du créancier a donné lieu à une jurisprudence abondante et contrastée. Il prévoit la décharge de la caution dans l'hypothèse où le créancier (volontairement ou par négligence) a laissé perdre des garanties particulières assortissant la dette principale dont la caution pouvait espérer bénéficier par subrogation. Précisément, l'arrêt rendu le 15 décembre par la première chambre civile de la Cour de Cassation vient rappeler les critères exigeants de mise en œuvre de l'article 2037 (I), avant de préciser l'application du principe de proportionnalité de la décharge des obligations de la caution (II).
La caisse régionale CRCAM est créancière de la société Charcot à laquelle elle a consenti un prêt de 1 400 000 F. Melle Darrieumerlou s'est pour sa part portée caution solidaire à concurrence de cette somme. La créance définitive de la CRCAM s'élevant définitivement au jour de la liquidation judiciaire de la société à 1 484 503F, la CRCAM sollicite alors la caution qui devra lui verser les sommes à hauteur de son engagement.
Melle D conteste cette réclamation, et avance que le créancier a négligé de prendre le nantissement du fond de commerce qui lui avait été consentie, et s'appuie pour ce faire sur l'article 2037 du code Civil. La caisse pour sa part souligne que ces créances fiscales dues au nantissement ne présentaient qu'un simple « espoir de dividende ».
La caisse saisi les tribunaux et interjette appel. Elle voit sa demande rejetée par les juges du fond, et forme alors un pourvoi en cassation.
En s'appuyant sur une missive d'un autre créancier du débiteur (société Charcot) où celui-ci mentionne qu'il a perçu grâce au nantissement une somme de 100 000F, les juges du second degré affirment que les créances fiscales dues au nantissement du fond de commerce consenti n'ont rien d'un espoir de dividende. De fait, les juges énoncent que faute par le créancier de faire la preuve que le nantissement perdu n'aurait pas permis à la caution de venir en rang utile pour être payée, cette dernière doit être totalement déchargée de ses obligations.
La Cour de Cassation était donc tenue de répondre à la question suivante: Le créancier garanti par un cautionnement commet-il un fait fautif au sens de l'article 2037 du code Civil, lorsqu'il néglige de prendre le nantissement du fonds de commerce qui lui avait été consenti ; et la caution qui s'était engagée est-elle à ce titre déchargée intégralement de ses obligations ?
A cette interrogation, la Haute juridiction répond que certes le créancier qui n'a pas pris la peine de se payer sur la sûreté dont il bénéficiait commet une faute eu égard aux dispositions de l'article 2037 du code Civil. Cependant, elle énonce par ailleurs que la caution n'est déchargée qu'à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation et dont elle a été privée par le fait du créancier. C'est la raison pour laquelle elle casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'appel au visa de l'article 2037 du code Civil.
Par cette décision, la première chambre civile caractérise en quoi les critères classiques de mise en œuvre des dispositions de l'article 2037 sont réunis (I), et précise dans le même temps dans quelle mesure la caution se trouve déchargée de ses obligations (II).
[...] La négligence du créancier : élément déclencheur de la décharge de la caution A la lecture de l'article 2037 du code civil, on remarque que pour décharger la caution de ses obligations, un fait du créancier à l'origine de la perte des droits préférentiels doit être relevé. Cette expression quelque peu floue a rendu nécessaire une interprétation jurisprudentielle et doctrinale des termes. Il en résulte qu'il doit s'agir d'un fait exclusif du créancier, autrement dit, celui-ci doit être seul responsable de la perte de la sûreté. [...]
[...] Elle voit sa demande rejetée par les juges du fond, et forme alors un pourvoi en cassation. En s'appuyant sur une missive d'un autre créancier du débiteur (société Charcot) où celui-ci mentionne qu'il a perçu grâce au nantissement une somme de 100 000F, les juges du second degré affirment que les créances fiscales dues au nantissement du fond de commerce consenti n'ont rien d'un espoir de dividende. De fait, les juges énoncent que faute par le créancier de faire la preuve que le nantissement perdu n'aurait pas permis à la caution de venir en rang utile pour être payée, cette dernière doit être totalement déchargée de ses obligations. [...]
[...] C'est pourquoi la Haute juridiction censure la décision des juges d'appel: elle insiste sur la nécessaire mesure de la valeur des droits pouvant être transmis par subrogation à la caution. La caution n'est libérée qu'à proportion, la Cour dit qu'à concurrence des droits pouvant lui être transmis par subrogation et perdus par la faute du créancier. Cette solution traditionnelle rencontre l'approbation de tous les auteurs : P.Malaurie, L.Aynès et P. Delbecque. D'autant qu'en l'espèce, l'écart des sommes est probant : Mlle Darrieumerlou s'est portée caution solidaire à concurrence d'un prêt de 000F, or l'autre créancier nanti sur le même bien a pu obtenir une somme de 100 000F. [...]
[...] Il faut que le droit dans lequel la caution n'a pas été subrogée ait présenté une valeur pour elle. En clair, il doit s'agir d'un droit certain et non potentiel. En l'espèce, le créancier a négligé de prendre le nantissement du fonds de commerce qui lui avait été consenti en indiquant que les créances fiscales émanant de ce dernier n'avaient qu'un simple espoir de dividende (créances en germe). Toutefois, cette information sera démentie plus tard par un autre créancier de ce débiteur (Société Charcot). [...]
[...] Cour de Cassation, Première chambre civile décembre 1998 L'article 2037 du code Civil, apprécié comme l'un des moyens de recours de la caution à l'égard du créancier a donné lieu à une jurisprudence abondante et contrastée. Il prévoit la décharge de la caution dans l'hypothèse où le créancier (volontairement ou par négligence) a laissé perdre des garanties particulières assortissant la dette principale dont la caution pouvait espérer bénéficier par subrogation. Précisément, l'arrêt rendu le 15 décembre par la première chambre civile de la Cour de Cassation vient rappeler les critères exigeants de mise en œuvre de l'article 2037 avant de préciser l'application du principe de proportionnalité de la décharge des obligations de la caution (II). [...]
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