La « cause » d'un contrat est « l'effet de droit inhérent à l'acte » (Cornu) ; en effet selon l'article 1131 du Code civil tout contrat est nul en l'absence de cause. Cependant il est des cas où son absence peut être palliée, comme dans l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation rendu en audience publique le 13 Juin 2006.
En l'espèce, le défendeur au pourvoi avait souscrit deux types de contrats avec les sociétés demanderesses : le premier était un contrat d'édition, et par le deuxième il cédait ses masters et droits voisins correspondants. Parmi d'autres moyens, celui retenu par la Cour d'Appel de Versailles le 26 Février 2004 pour annuler les contrats est l'absence de cause : en effet, la contrepartie du contrat de cession était le paiement d'un franc symbolique. Les demandeurs ont donc formé un pourvoi en cassation pour invalider ce jugement. La question qui se pose ici est la suivante : un contrat de cession s'inscrivant dans un ensemble contractuel peut-il être annulé pour absence de contrepartie ?
La Cour de Cassation casse partiellement l'arrêt attaqué, concernant la nullité des contrats, et répond de la façon suivante : pour annuler un contrat pour absence de cause, il faut d'abord vérifier que celui-ci ne s'inscrit pas dans un ensemble contractuel ; si cet ensemble est indivisible, le contrat ne pourra être annulé pour ce motif, le tout au visa de l'article 1131 du Code civil.
La Cour de Cassation ne remet donc pas en cause l'application de la cause de la Cour d'Appel (I), mais elle soumet cette application à une nouvelle condition : la recherche d'une éventuelle indivisibilité (II).
[...] La Cour s'est donc fondée pour casser l'arrêt, sur le but final recherché par les co-contractants. La protection de l'équilibre contractuel par la Cour de Cassation Si l'application de la théorie de l'indivisibilité au droit des obligations peut être contestée juridiquement, elle montre la volonté de la Cour de Cassation de protéger les co-contractants et ici l'exploitant. Les conséquences de l'annulation des contrats d'édition seraient en effet lourdes pour l'exploitant : selon les articles L.131_1 et suivants du Code da la propriété intellectuelle relatifs aux contrats de cession, les droits cédés réintègrent le patrimoine de l'auteur, l(es actes d'exploitation effectués son considérés comme contrefaisant et ouvrent droit à indemnisation (et annulation) ; en effet comme le contrat n'a jamais existé, l'utilisation des données est considérée comme une violation du monopole de l'auteur. [...]
[...] La réaffirmation de la théorie de la cause Nous rappellerons le droit positif et son application dans la jurisprudence antérieure Rappel du droit positif En droit positif, la cause doit exister, être réelle et licite (article 1131). Son existence est l'une des quatre conditions de validité des contrats (article 1108). La notion objective est celle retenue, par la loi et la majorité de la doctrine, pour contrôler l'existence de cause ; la cause d'une obligation est ainsi la contrepartie attendue à l'objet du contrat, et chaque obligation doit avoir une cause (article 1126 du Code civil mais cette règle vaut uniquement pour les contrats synallagmatiques). Elle est donc l'intérêt de l'acte juridique pour son auteur (Capitant). [...]
[...] On peut supposer qu'elle s'inspire de la jurisprudence de la Chambre commerciale et de sa notion d'économie des contrats. Elle apporte une exception en l'espèce à la jurisprudence et aux règles sur l'absence de cause : si l'ensemble contractuel est indivisible, un contrat de cession s'y inscrivant ne peut pas être annulé pour absence de cause. Elle confirme ainsi la solution apportée dans l'arrêt du 4 Avril. Cependant la Cour de Cassation ne prétend pas qu'en l'espèce les contrats de ‘vente' et d'édition formaient un tout indivisible, elle reproche seulement aux juges du fond de ne pas s'être posés la question : sans rechercher si, ( ) le contrat de cession II. [...]
[...] La Cour de Cassation ne peut en effet contester leur appréciation, et renvoie ainsi le jugement devant une autre cour d'Appel. C'est ce manque de base légale qu'a sanctionné la Cour de Cassation dans cet arrêt, et c'est de cette appréciation que la nullité de la convention dépend. Elle renvoie donc le jugement à une autre Cour d'Appel afin que celle-ci réexamine les contrats. La Cour tire cette règle de l'article 1131, et admet donc ici que l'existence de la cause peut être subjective. [...]
[...] La Cour de Cassation (1ère ch. civ. du 3 Juillet 1996, affaire des ‘points-club vidéo') avait déjà admis que deux contrats pouvaient être interdépendants selon ‘l'économie voulue par les parties'. Un plus récent arrêt de la 1ère chambre civile du 4 Avril 2006 avait apporté la solution suivante : si les deux contrats constituent un ensemble contractuel indivisible, la résiliation du premier entraîne la nullité du second qui devient sans cause (sa cause étant dans l'objet du premier contrat). Elle admet donc que l'on puisse chercher la contrepartie d'un contrat dans l'objet d'un autre mais qui lui est ‘attaché'. [...]
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