La rédaction lapidaire de l'arrêt « Franchot » rendu le 7 janv. 1997 en matière de responsabilité civile médicale pourrait conduire à une interprétation quelque peu hasardeuse. En effet, ne pourrait-on pas être tenté de considérer que la Cour de cassation entend établir un principe général de responsabilité du médecin fondé sur son fait puisqu'elle affirme que la Cour d'appel de Paris a violé les art. 1135 et 1147 c. civ., alors qu'il « résultait de ses propres constatations que la blessure de l'artère sous-clavière avait été le fait du chirurgien, de sorte que sa responsabilité était engagée ». La lecture attentive des moyens du pourvoi et du rapport de M. le conseiller Pierre Sargos permet d'infirmer une telle assertion.
Cet arrêt porte sur la qualification du lien existant entre le dommage subi par le patient et la faute reprochée au chirurgien. La réponse qu'il apporte est fort classique et s'inscrit dans une suite d'arrêts rendus par la Chambre civile de la Cour de cassation qui adoptent le même type de solution. Il n'est toutefois pas sans intérêt de relever qu'il casse un arrêt d'appel fâcheusement influencé par l'arrêt Bianchi (I) ; en effet, là où le Conseil d'Etat a entendu élargir la responsabilité de l'hôpital, la Cour de Paris, en considérant que la mort avait pour cause « une complication exceptionnelle et donc non prévisible » y a vu une condition supplémentaire conduisant à écarter la responsabilité du chirurgien. En outre, alors que les textes visés par l'arrêt sont les art. 1135 et 1147 c. civ., dispositions relatives au contrat et à la responsabilité contractuelle, les énoncés retenus par la cour d'appel et par la Cour de cassation sont ceux de la responsabilité délictuelle (II) ; ils contribuent ce faisant à établir la responsabilité par rapport à l'acte de soins et non par référence à la prestation due par le médecin.
[...] Cela explique pourquoi la cour d'appel s'est référée à la maladresse du chirurgien qui a consisté à perforer l'artère sous-clavière, à la blesser ; or, une maladresse c'est une inhabileté dans l'accomplissement d'une activité. Ce qui est visé et analysé par les juges, c'est le geste du médecin et non pas l'obligation due au patient. Ainsi s'explique la formule retenue par la Cour de cassation : la blessure de l'artère . avait été le fait du chirurgien Et cette affirmation ne doit pas être analysée en soi, mais dans le contexte de l'arrêt. La Cour de cassation juge des jugements et propose une solution juridique à une question juridique. [...]
[...] - La Cour de cassation écarte une conception surprenante de la causalité La Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 30 juin 1994 avait estimé que, si le médecin avait bien blessé l'artère sous-clavière au cours de l'intervention, ce dernier n'avait pas commis de maladresses fautives et que le décès du patient consécutif à la blessure avait pour cause une complication exceptionnelle . et donc non prévisible Elle déniait donc tout caractère fautif à l'activité du médecin parce qu'elle considérait que la complication devait être séparée du geste opératoire initial. Cela revenait à admettre que cette complication n'avait pas de lien avec le geste lui-même. [...]
[...] La logique contractuelle produit entre deux personnes une relation organisée, tandis que c'est l'événement dommageable qui crée cette relation involontaire entre deux individus. Et ces deux types de rapports juridiques ne sont pas superposables l'un à l'autre, même s'il existe des points de convergence importants entre les deux systèmes de responsabilité. Ainsi, quand l'art c. civ. dit le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation . toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part le texte implique que soit déterminé ce qui avait été promis par le débiteur. [...]
[...] de donner au malade des soins . consciencieux, attentifs . et conformes aux données acquises de la science C'est parce que la Cour de cassation a admis le principe de l'unité des fautes pénale et civile d'imprudence que le délai de prescription de l'action publique (trois ans) fut opposé même à la victime qui demandait réparation devant les juridictions civiles. Mme Mercier qui avait subi une radiothérapie de la face fut victime d'une radiodermite qui se déclara cinq ans après le traitement ; son action était donc forclose si elle demandait réparation du dommage sur la base des art et 1383 c. [...]
[...] et donc non prévisible à l'arrêt Bianchi, mais au prix d'une déformation. Cet arrêt n'a en aucun cas admis la responsabilité automatique de l'hôpital public ; tout au contraire, dans une longue phrase il a établi les conditions de mise en jeu de cette responsabilité en fixant des critères d'appréciation aussi précis que nombreux : il doit s'agir d'un acte nécessaire au diagnostic ou au traitement, la cause directe du dommage est sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible. [...]
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