C'est l'article 1384 alinéa 1er du Code civil qui dispose que l'on est responsable « des choses que l'on a sous sa garde ». Le gardien exerce ainsi des pouvoirs sur la chose dont il est dès lors responsable en cas de dommages que celle-ci pourrait causer. En principe exercée par une personne à la fois, la garde perd parfois son unicité et se pose la question de la garde en commun ou collective, définie par Alain Bénabent comme le cas où une « chose est sous la maîtrise commune de plusieurs personnes » (Droit civil des obligations, Montchrestien, p. 434).
L'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 28 mars 2002 traite non seulement de l'ambiguïté entre le principe d'unicité de la garde et la garde en commun, ainsi que de l'acceptation des risques. En l'espèce, participant à un jeu collectif improvisé qui s'inspirait du base-ball, une mineure fut blessée à l'oeil par une balle de tennis relancée en sa direction par un autre joueur qui utilisa une raquette de tennis comme batte de base-ball.
Dans le cas d'une mineure blessée par un autre mineur dans le cadre d'un tel jeu par une balle de tennis projetée par une raquette de tennis, doit-on faire effectivement application de la garde collective et de l'acceptation des risques ?
[...] Deux arrêts rendus par la seconde chambre civile le 13 mai 1998 et le 15 avril 1999 n'avaient en effet pas exigé pour retenir la théorie de l'acceptation des risques que le dommage ait eu lieu lors d'une telle compétition. En l'espèce, la Cour de cassation, à l'inverse, a censuré la décision de la Cour d'appel sur ce motif. On ne peut cependant pas parler d'un véritable revirement, la décision en l'espèce renouant avec une jurisprudence dominante ce qui amène à se demander si les deux arrêts cités plus haut ne sont pas plutôt les exceptions à la règle et si l'exigence n'avait jamais été abandonnée. [...]
[...] Ainsi, il convient de noter qu'en attribuant le rôle de gardien à celui qui a tiré la balle au moyen de la raquette de tennis, la Cour de cassation lui reconnaît l'entière responsabilité du dommage subi par la victime et ne peut qu'écarter la garde en commun. La Cour déplace surtout le rôle causal de la chose projetée (la balle) en considérant que c'est la chose projetante (la raquette) qui a été l'instrument du dommage ce qui, pour le professeur Djoheur Zerouki, professeur à Lyon relève d'une interprétation finaliste de la causalité et remet en cause l'analyse réservée aux diverses hypothèses d'absence de contact entre l'instrument du dommage et le siège de ce dommage (Recueil Dalloz 2002. [...]
[...] La Cour de cassation reconnaît depuis un arrêt Civ 2e du 8 octobre 1975 l'acceptation des risques en matière sportive. Par exemple dans un arrêt Civ 2e décembre 1990, il faut exclure la responsabilité de celui qui a causé un dommage à son adversaire dans la pratique du sport considéré dans le respect des règles du jeu Or en l'espèce, la Cour de cassation censure la décision d'appel d'avoir retenu que la mineure avait accepté les risques (que ce jeu) comportaient, circonstance excluant l'application à son profit du texte susvisé Pour écarter la décision de la Cour d'appel, il faut noter que la Cour de cassation ne se base pas uniquement sur le critère sportif, le jeu auquel participait la mineure étant bel et bien sportif dans sa nature. [...]
[...] S'agissant enfin de la théorie de l'acceptation des risques, la décision est critiquable lorsque l'on se fonde de plus près sur le critère du risque. En effet, la Cour restreint la théorie à une exigence de compétition sportive qui pour elle est à même de créer des dommages non négligeables. Or des activités comme la chasse ou le ski sont parfois particulièrement dangereuses et impliquent des risques. Effectivement, dans la décision en l'espèce la situation ne semble pas aussi dangereuse et insolite, le jeu improvisé empruntant à deux sports ne comportant pas autant de risques que la chasse par exemple, mais la critique de la décision porterait plus sur la restriction en général de la théorie de l'acceptation des risques. [...]
[...] En cela, la Cour de cassation, semble en l'espèce aller à contre-courant de sa propre jurisprudence en adoptant une conception finaliste de la causalité en considérant que c'est la chose projetante et non la chose projetée qui a été l'instrument du dommage. Pour Patrice Jourdain, professeur à l'université Paris la décision pourrait consister, sinon un véritable revirement de jurisprudence, en tout cas une orientation nouvelle dans le sens d'une restriction de l'application de la notion de garde en commun au moins pour des balles frappées au moyen de choses (Revue trimestrielle de droit civil 2002. [...]
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