Cour de cassation, 26 novembre 2020, responsabilité du fait des choses, Cour d'appel de Saint-Denis, contrôle et direction de la chose, article 1384 du Code civil, responsabilité du propriétaire, transfert de garde, enfant, présomption de responsabilité, arrêt Jand'heur, projet de loi du 29 juillet 2020, manipulation d'un pistolet
L'arrêt du 26 novembre 2020 permet de justifier l'appellation de l'ouvrage de G. Durry : l'irremplaçable responsabilité du fait des choses, en ce qu'il permet ici de ne pas retenir un transfert de garde au profit de l'enfant qui s'est blessé.
En l'espèce, un enfant et sa mère ont été invités à rendre visite à deux voisins. Alors qu'il était entré dans le domicile de ses voisins, l'enfant a pris possession d'une arme qu'il a trouvée et s'est par la suite blessé en utilisant cette arme. De ce fait, la représentante légale de l'enfant a assigné les deux propriétaires du pistolet en demandant que soit réparé le dommage subi par la manipulation du pistolet.
[...] La reconnaissance d'un fait de la chose Dans l'arrêt du 26 novembre 2020, les juges de la Cour de cassation ont retenu que l'arme a conduit à la constitution du préjudice de l'enfant blessé. En effet, le fait de la chose, autrement dit le lien de causalité est l'un des éléments nécessaires pour retenir la responsabilité du fait des choses, précisée à l'article 1384, alinéa 1 du Code civil : "on n'est responsable seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde". [...]
[...] Cette reconnaissance de la caractérisation d'un discernement vient s'opposer aux jurisprudences antérieures que sont celles des arrêts Lemaire, Derguini et Gabillet qui retenaient qu'il n'était pas utile de regarder si l'enfant avait le discernement ou non lors du dommage. L'arrêt Gabillet consacre même la garde sans discernement, altérant la jurisprudence Franck. Cette prise en compte du discernement de l'enfant est en totale harmonie avec le projet de loi du 29 juillet 2020. Enfin, l'utilisation du droit de la responsabilité du fait des choses semble très originale. Initialement, la responsabilité du fait des choses venait à lutter contre les situations injustes d'accidents de travail en raison des machines. [...]
[...] Le droit s'appuyait sur la théorie du risque pour retenir cette responsabilité. À ce titre, l'Abbé expliquait même que "toute personne qui profitait de l'emploi d'une machine par un tiers devait être responsable du dommage qu'elle peut causer". En l'espèce, il n'est pas question de machine qui cause un dommage, mais simplement d'une manipulation d'un pistolet. La responsabilité du fait des choses semble ainsi être utilisée pour de nouvelles situations, étendant son champ d'application. [...]
[...] L'admission d'une obligation de surveillance pesant sur le patrimoine du propriétaire du pistolet Dans l'arrêt du 26 novembre 2020, la Haute juridiction semble implicitement retenir une obligation de surveillance du propriétaire. Les propriétaires avaient en effet dû observer l'enfant manier le pistolet. L'arrêt précise en effet que des munitions se trouvaient dans la pièce où était rangé le pistolet. Par conséquent, les propriétaires auraient dû garder un œil sur les activités de l'enfant. Cette obligation de surveillance avait déjà été implicitement retenue dans un arrêt du 13 juin 2003 par lequel la Cour de cassation avait retenu la responsabilité du propriétaire de la tondeuse qui aurait dû surveiller son voisin utilisant dans son jardin la tondeuse. [...]
[...] Par conséquent, si le propriétaire ne parvient pas à s'exonérer de sa responsabilité en prouvant un transfert de garde ou en mettant en avant la présence d'une force majeure, il sera désigné responsable de la chose, en l'espèce du pistolet. Là encore, il semble regrettable que la Cour de cassation n'ait pas précisé dans l'arrêt que la présomption de responsabilité s'appliquait, afin de renforcer la clarté de l'arrêt. Toutefois, comme pour le fait de la chose, la présomption semble évidente à tel point que la Haute juridiction n'a pas jugé utile de préciser l'utilisation de la présomption de responsabilité. D'autre part, cette reconnaissance de la garde juridique paraît contestable puisqu'elle est défavorable au propriétaire de l'arme. II. [...]
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