Mlle X. a subi un accident de la circulation. Elle cherche à se faire indemniser par la société Mutuelle assurance artisanale de France en raison des pertes de revenus subies durant la période d'incapacité temporaire (conséquence de l'accident). La MAAF a été déclarée tenue de réparer le préjudice financier subi par Mlle X. Cependant, une partie de l'activité professionnelle de Mlle X était dissimulée et donc illicite. Tirant argument de cette situation, la MAAF a refusé d'indemniser l'intégralité de la perte des rémunérations que percevait Mlle X, n'acceptant de prendre en compte que la partie régulière de son activité. La Cour d'appel a au contraire jugé qu'il y avait lieu d'indemniser aussi la perte des revenus dissimulés. La MAAF s'est alors pourvue en cassation.
Il est admis que tout préjudice est réparable s'il est certain et direct, mais la légitimité du préjudice est-elle une condition supplémentaire de la réparation ?
[...] En revanche, ne sera pas indemnisée la privation de revenus tirés d'une activité illicite par un commerçant étranger en situation irrégulière expulsé par son bailleur (Cass. 2e civ janvier 1959) ou par un joueur interdit de casino(Cass. 2e civ février 2007). En d'autres termes, un lien de causalité est censé expliquer que la situation illicite est à l'origine du préjudice subi par la victime. Il serait tentant de penser que l'indignité de Mlle X n'a joué aucun rôle causal dans la réalisation de son dommage. [...]
[...] Cet arrêt du 24 janvier 2002 vient le rappeler en refusant d'indemniser Mlle X qui demandait à ce que ces rémunérations non déclarées soient prises en compte dans le montant de la réparation. Il est pourtant souvent admis que l'existence d'un dommage subi par la victime est la condition nécessaire et surtout suffisante pour obtenir une indemnisation. L'appréciation du préjudice est ici subjective. La décision moralisatrice de la Cour de cassation est contestable sur un point particulier à l'espèce. Il est en effet généralement admis que la responsabilité délictuelle en cas de travail illicite est imputable à l'employeur, le salarié étant en réalité non un bénéficiaire de l'emploi illicite mais une victime puisqu'il est privé des garanties inhérentes à l'activité salariée. [...]
[...] La Cour de cassation a en effet refusé à la victime indigne la réparation d'un préjudice purement économique (l'indignité de la victime constituant alors une fin de non-recevoir). Ainsi, la jurisprudence opérait une distinction reposant sur la nature du dommage : en cas de préjudice corporel, l'indignité de la victime n'empêche pas à celle-ci d'être indemnisée (l'indignité pourra cependant influer sur le montant de la réparation) ; face à un préjudice purement économique, l'indignité sera opposée à l'action de la victime indigne. [...]
[...] La Cour de cassation suggère ici une vision moralisatrice de la responsabilité extracontractuelle en proposant une nouvelle hypothèse d'indignité. La Cour de cassation va casser la décision de la Cour d'appel, estimant qu'en statuant ainsi alors que de telles rémunérations, provenant d'un travail dissimulé, n'ouvrent pas droit à indemnisation, la Cour d'appel a violé le texte susvisé (l'article 1382 du Code civil). La Haute juridiction va ainsi refuser d'indemniser le préjudice subi par une victime en situation illicite Cette décision atypique se place à la marge de la jurisprudence habituelle en matière de responsabilité civile (II). [...]
[...] La Cour de cassation fait sans doute ici implicitement référence à l'adage Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude qui, au nom de la morale, refuserait le droit à réparation des victimes indignes. Par le passé, la Cour de cassation a pourtant refusé avec une certaine fermeté l'application de cet adage en matière de responsabilité civile. La première chambre civile avait notamment, pour rejeter un pourvoi contre un arrêt qui avait fait droit à la demande d'indemnisation du coauteur d'un vol de véhicule, blessé dans un accident alors qu'il en était passager, affirmé que le moyen tiré de l'adage Nemo Auditur était étranger aux règles de la responsabilité délictuelle (Civ. 1re nov. [...]
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