Le juge devant statuer sur les demandes de réparation en évaluant celles-ci au jour du dommage, une difficulté peut survenir lorsqu'entre la faute commise et l'appréciation du dommage de la victime, cette dernière a agi, de telle sorte que son préjudice s'en trouve augmenté. La question qui se pose alors est de savoir si la victime est tenue de minimiser son dommage pour obtenir réparation intégrale de son préjudice. La solution apportée par la jurisprudence est très critiquée par la doctrine, et se situe à contre-courant des normes internationales. Avec la décision soumise à notre étude, la Cour de cassation relance le débat. Pour mieux apprécier cet arrêt, il convient d'en livrer les faits.
En l'espèce, M.X. exploitait un restaurant via une société dont il était actionnaire majoritaire. Il est victime, en novembre 1995 d'une agression qui entraine une incapacité de travail de plus d'un an. Il se voit dès lors obligé de céder ses actions, et ce, bien que le fonds d'indemnisation des victimes d'infraction lui assure quelques revenus. La cession, rapide, se fait dans de mauvaises conditions, en juillet 1996, à un prix inférieur à celui du marché. M.X engage alors une procédure judiciaire, en vue d'obtenir réparation du préjudice économique qu'il estime avoir subi en ayant vendu ses actions à un prix dérisoire, occasionnant une moins-value.
La question qui se pose ici est donc de savoir si, et dans quelles conditions, les agissements d'une victime, intervenant après la faute initiale du responsable, et aggravant son dommage, sont susceptibles de limiter la réparation à laquelle elle pourrait prétendre.
[...] Dans le premier cas, le refus de la victime de se soumettre à une opération bénigne pouvant limiter son dommage était considéré comme fautif, réduisant l'indemnisation incombant au responsable de la faute initiale. Au contraire, la jurisprudence admettait que la victime d'une infraction puisse refuser une infraction puisse refuser une opération lourde, qui, pourtant, lui permettrait de réduire le dommage subi. En 1997, la cour de cassation, visant l'article 16-3 du code civil, selon lequel aucune intervention médicale ne peut être imposée à une personne non consentante, met fin à cette distinction. Dès lors, le refus d'une opération, aussi minime qu'elle puisse être n'est plus fautif. [...]
[...] Il est à noter que si la Cour de cassation a censuré la cour d'appel, ce n'est pas parce que celle-ci n'a pas procédé à la réparation intégrale, mais parce qu'elle n'a pas tenu compte du bon préjudice. En effet, la cour d'appel avait qualifié la vente des actions de M.X à bas prix de perte de chance C'est donc cette perte de chance que la Cour d'Appel avait intégralement indemnisée, à hauteur de 30492.45 euros. Au contraire, la cour de cassation, retenant une gestion raisonnable et un lien de causalité entre l'infraction et la vente des actions, considère que le dommage n'est pas éventuel, mais certain. [...]
[...] Cette solution a été affirmée à diverses reprises (exemple d'un arrêt du 14 novembre 2002, de la 2è chambre civile, à propos du dommage résultant d'un accident de la route, et aggravé par le fait même de la victime, sans que celui-ci soit fautif). En l'espèce, la cour de cassation a considéré que si la victime avait vendu ses actions rapidement, et avait ainsi limité son profit, elle avait certes pris une certaine responsabilité, mais que la mesure, raisonnable, était de toute façon causée par l'accident. [...]
[...] Une telle solution permet donc à la cour de cassation d'effectuer un contrôle, en soumettant la réparation du préjudice à la seule part de celui-ci que la victime n'a pas pu légitimement limiter. Mais le caractère raisonnable des agissements de la victime n'est pas la seule condition de la réparation intégrale. En effet, encore faut-il montrer qu'un lien de causalité existe entre le dommage subi par la victime, et le fait illicite de la personne mise en cause, comme le montre la conjonction de coordination et dans l'attendu final : la vente des actions avait constitué une mesure de gestion raisonnable et qu'il existait un lien de causalité entre cette vente et l'infraction II La détermination d'un lien de causalité, condition de la réparation d'un dommage causé ; une solution classique amenée à se perpétuer Si les agissements de la victime doivent être raisonnables au risque de constituer une faute limitant son droit à réparation, son indemnisation est également conditionnée par l'existence d'un lien de causalité. [...]
[...] Si la cour de cassation affirme, sans surprise, la nécessité d'un lien de causalité entre la faute commise et le dommage que celle-ci a causé à la victime, elle semble soumettre la réparation intégrale du préjudice de la victime à une autre condition. En effet, jugeant du caractère raisonnable des mesures prises par la victime après la survenance de l'infraction, la Cour de cassation semble se détacher de la règle générale dégagée en 2003 selon laquelle la victime n'a pas d'obligation de minimiser son dommage, pour aller vers un contrôle plus casuistique. [...]
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