L'erreur est une notion complexe, peu détaillée par le code civil, et que la doctrine a eu le plaisir d'interpréter par de nombreuses manières. Cet arrêt en date du 22 février 1978, retrace l'affaire poussin qui, selon Malinvaud, « a fait couler plus d'encre que de peinture » tant au niveau artistique, qu'au niveau juridique.
Dans les faits, les époux Saint Arroman chargent le commissaire-priseur Rheims de la vente d'un tableau qu'une tradition familiale attribuait à Nicolas Poussin mais que l'expert Lebel attribue à l'école des Carrache. La réunion des musées nationaux exerce alors son droit de préemption et présente l'œuvre comme un tableau de Nicolas Poussin.
Les époux, désemparés, assignent la direction des musées de France et demandent la nullité de la vente, pour erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue, devant la première chambre du tribunal de grande instance de Paris. Ce dernier fait droit à leur demande le 13 décembre 1972 aux motifs qu' « il n'y a pas eu accord des contractants sur la chose vendue, les vendeurs croyant céder un tableau de l'école des Carrache, tandis que la Réunion des musées nationaux estimait acquérir une œuvre de Poussin ; que la défenderesse a bénéficié ainsi, grâce à à la grande supériorité de sa compétence artistique, de l'erreur sur la substance commise par ses cocontractants, telle qu'elle résultait des mentions portées par eux sur le catalogue de l'Hotel des ventes ; que cette erreur, parfaitement connue de la défenderesse, a vicié le consentement des vendeurs et que, par application de l'article 1110 du code civil, la vente doit être déclarée nulle ».
[...] L'erreur sur l'attribution du tableau doit, comme toute erreur, être prouvée par les époux qui doivent aussi rapporter la preuve que leur cocontractant savait que l'objet de l'erreur était pour eux déterminant dans leur consentement à la vente. Il s'est trouvé que l'erreur sur la qualité essentielle du tableau ne pouvait qu'être difficilement prouvée. De nombreux experts ont pris des positions différentes sur l'attribution, le tableau était en très mauvais état et de nombreux faux avaient été faits à l'époque présumée du tableau en question. La cour d'appel n'a pas retenu l'erreur sur la qualité essentielle pcqu'il subsistait un doute sur l'auteur du tableau. [...]
[...] L'affaire Poussin a donc eu une incidence considérable sur la sécurité juridique du commerce de l'art, qui a fort heureusement était quelque peu freiné quelques années plus tard. [...]
[...] Communément, l'hypothèse des contrats de vente de ce type est plutôt celle de l'erreur sur la prestation reçue, invoquée par l'acheteur se trouvant trompé sur l'objet qu'il a ainsi acquis. L'erreur demandée ici est un cas rare, lorsque l'acheteur découvre que l'objet qu'il a acquis a beaucoup plus de valeur que ce que le vendeur croyait, on peut se douter qu'il ne va pas se précipiter à en informer ce dernier. Les époux Saint Arroman ont pu revendiquer l'erreur dans la mesure où la Réunion des musées nationaux a exercé son droit de préemption et a ainsi rendu public la découverte de la possible attribution à Nicolas Poussin. [...]
[...] Ce dernier fait droit à leur demande le 13 décembre 1972 aux motifs qu' il n'y a pas eu accord des contractants sur la chose vendue, les vendeurs croyant céder un tableau de l'école des Carrache, tandis que la Réunion des musées nationaux estimait acquérir une œuvre de Poussin ; que la défenderesse a bénéficié ainsi, grâce à la grande supériorité de sa compétence artistique, de l'erreur sur la substance commise par ses cocontractants, telle qu'elle résultait des mentions portées par eux sur le catalogue de l'Hotel des ventes ; que cette erreur, parfaitement connue de la défenderesse, a vicié le consentement des vendeurs et que, par application de l'article 1110 du code civil, la vente doit être déclarée nulle La direction des musées nationaux interjette appel devant la Cour d'appel de Paris qui rend un arrêt infirmatif le 2 février 1976 aux motifs que l'attribution de ce tableau à Poussin repose uniquement sur l'intuition de spécialistes de ce peintre, peut être nombreux mais non pas unanimes, et n'est confirmée par aucune preuve décisive ; que cette attribution est d'autant plus hasardeuse qu'il ne subsiste que 40% de la peinture primitive ; que la cour ne peut, sur cette seule base, conférer à cette oeuvre un brevet d'authenticité, et n'est pas en mesure de désigner un expert ayant en la matière une autorité suffisante et qui ne se soit déjà prononcé dans un sens ou dans l'autre ; qu'elle ne peut, dans ces conditions, que constater que la preuve n'est pas faite que le tableau litigieux soit de la main de Nicolas Poussin, et que les époux Saint Arroman n'ont pas démontré l'existence de l'erreur dont ils prétendent avoir été victimes ; que le jugement, qui a retenu cette erreur pour prononcer la nullité de la vente, doit donc être infirmé Mécontent, les époux Saint Arroman forment un pourvoi en cassation. Ils soutiennent qu'ils ont contracté uniquement dans la mesure où ils étaient convaincus que le tableau ne pouvait pas être de Nicolas Poussin. Le défendeur avance que l'erreur ne peut être prononcée puisque l'attribution du tableau est incertaine. Les juges de cassation ont dû se demander si le consentement du vendeur a été vicié lors de la vente par la conviction erronée que le tableau n'était pas de l'auteur à qui il a été attribué ensuite. [...]
[...] Dès lors que la réalité tendait fortement à considérer ce tableau comme attribué à Poussin plutôt qu'à l'école des Carrache du fait de nombreux experts et de la présentation des musées nationaux en tant que tel, la croyance des vendeurs différait complètement de la réalité. Le consentement des vendeurs a donc pu être vicié par la conviction erronée que ce tableau était de l'école des carrache alors que cela n'était pas, ou peut être pas le cas ; que ce tableau ne pouvait pas être de Poussin. Dans le doute, les époux ne se seraient pas engagés si on leur avait dit que le tableau pouvait être de Poussin. C'est cette fausse représentation de la réalité qui les a amené à contracter. [...]
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