Cour de cassation, Chambre sociale, 8 mars 2023, 21-20.798, pouvoir de l'employeur, pouvoir de surveillance, CNIL Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, moyens de surveillance, article L.1222-4 du Code du travail, preuve illicite
Le 1er octobre 2009, M. Y est engagé par une association en tant que rédacteur juridique, fonction requalifiée par la suite en tant qu'analyste métier. Le 05 septembre 2017, il est licencié pour faute grave, au motif d'une déclaration erronée de ses heures de travail. Afin de justifier le licenciement, l'employeur de M. Y avait rapproché les heures constatées par le dispositif de badgeage située à l'entrée du bâtiment avec celles constatées par le logiciel de contrôle du temps de travail.
[...] Il faut opposer les preuves parfaites, preuves légales, qui vont lier le juge, aux preuves imparfaites, qui sont libres, pour lesquelles le juge peut décider de leur recevabilité. En l'espèce, la preuve est libre et peut donc être obtenue par n'importe quel moyen. Consacrant ce droit à la preuve, le juge peut ainsi fonder sa décision sur des preuves obtenues par des moyens illicites. Deux options s'offrent à lui : il peut déclarer la preuve recevable, et appuyer sa décision dessus, ou la déclarer irrecevable et l'écarter des débats. C'est cette dernière solution qui a été retenue par la cour d'appel dans l'affaire qui nous intéresse. [...]
[...] Un employeur peut-il user de son pouvoir de surveillance sur ses salariés par un dispositif dont ils n'auraient pas connaissance ? La preuve recueillie par ce moyen doit-elle être considérée comme étant recevable en justice ? Afin de s'assurer de la réalité du travail effectué par ses salariés, et en application du contrat de travail, l'employeur dispose d'un pouvoir de surveillance Toutefois, la recevabilité des preuves recueillies par cette surveillance peut parfois être contestable (II). Le pouvoir de surveillance de l'employeur constituant des preuves Si l'employeur peut contrôler le travail effectué par ses salariés, et dispose à ce titre d'un certain nombre de moyens de surveillance il faut tout de même respecter certaines conditions pour que ces moyens soient licites Les moyens de surveillance de l'employeur Alors que l'on évoque souvent les droits des salariés, l'employeur n'est pas en reste et dispose également de nombreux droits, parmi lesquels nous pouvons citer le pouvoir de direction, qui nous intéresse dans le cas présent. [...]
[...] La jurisprudence a eu à juger, à de maintes reprises, quant aux différents moyens de surveillance mis en œuvre par des employeurs. Ainsi, par exemple, la vidéosurveillance peut être licite (Cass. Soc juin 2006), ou encore, l'employeur peut utiliser un dispositif biométrique fondé sur la reconnaissance de la frappe au clavier (délibération de la CNIL du 23 juin 2011). Toutefois, si ces moyens ont été validés, c'est bien parce qu'ils respectent certaines conditions de mise en œuvre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. [...]
[...] Les preuves issues du moyen de surveillance sont licites si certaines conditions sont respectées, et peuvent donc être produites en justice. Pour autant, lorsque ce n'est pas le cas, il faut se demander si la preuve sera recevable en justice. La recevabilité des preuves recueillies par la surveillance du salarié Lorsque l'employeur contrôle l'activité de ses salariés, il peut utiliser des moyens de surveillance pour se constituer des preuves qui justifieront des sanctions à l'encontre des salariés concernés. L'émergence du principe du droit à la preuve pose la question de la recevabilité de ces preuves en justice, notamment lorsqu'elles ont été obtenues déloyalement Le droit à la preuve de l'employeur Il est incontestable que chacun doit pouvoir prouver ses prétentions afin d'obtenir gain de cause, ce que prévoit l'article 9 du Code de procédure civile : « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». [...]
[...] En l'espèce, les dispositifs de surveillance avaient bien été déclarés à la CNIL. Effectivement, nous savons que le CNIL avait connaissance de l'existence du logiciel de contrôle des horaires de travail des salariés, qui ne pose aucune difficulté. Le problème réside dans l'existence du système de badgeage installé à l'entrée de l'entreprise, pour lequel l'employeur a déclaré que le but poursuivi était le contrôle des accès aux locaux et aux parkings. Or, nous savons qu'il a utilisé les données de la badgeuse pour les comparer aux données du logiciel de contrôle des horaires. [...]
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