En l'espèce, la dame Gaudras, demanderesse, a perdu son concubin dans un accident de la circulation dont l'entière responsabilité a été reconnue, à M. Dangereux, défendeur. La juridiction de première instance compétente en la matière a été saisie par la demanderesse, dont le jugement fit droit à la demande, retenant que le concubinage entre la demanderesse et le défunt offrait des garanties de stabilité tout en ne présentant pas de caractère délictueux.
Le problème porté devant la Cour suprême était notamment de savoir si une situation de concubinage, ne créant pas de lien de droit entre les concubins, pouvait donner lieu à l'octroi d'une indemnité de dommages et intérêts en cas de décès de l'un des concubins par la faute d'un tiers.
[...] Ainsi, comme vu précédemment (cf les positions divergentes entre Chambre criminelle indemnisant le concubin, et Chambre civile y étant réfractaire, l'enjeu pour la Cour régulatrice était d'unifier le droit, sa jurisprudence. En effet, il était incompréhensible pour la majeure partie de la doctrine, qu'un concubin puisse être reconnu par le droit et indemnisé devant les juridictions pénales, répressives et non devant les juridictions civiles, pour la même demande ; à savoir ce dont il est question en l'espèce : l'indemnisation du demandeur en dommages-intérêts pour le préjudice résultant du décès de son concubin par la faute d'un tiers. [...]
[...] C'est en cela, mais aussi du fait que cette union de fait était mal perçu à l'époque, et notamment par le droit ( pour ne pas dire la Chambre civile de la Cour de cassation souvent en retard sur l'évolution des mœurs, que la jurisprudence de la Chambre civile était réticente à reconnaître des effets de droit au concubinage pouvant donner lieu à des indemnisations diverses et variées. Néanmoins, la Chambre criminelle de la Cour de cassation accordait déjà une indemnité à la concubine d'une victime, alors que la Chambre civile, réticente adoptait une position retranscrite à travers un arrêt du 2 février 1931 qui différenciant le dommage moral et matériel, exigeait que l'action en indemnité soit fondée sur un intérêt d'affection né du lien de parenté ou d'alliance qui unissait la victime du fait dommageable à celui de ses ayants droit qui en demande réparation ou en encore, via un arrêt rendu par la même Chambre civile, le 27 juillet 1937, cassant un arrêt de la CA de Paris allouant des dommages et intérêts à une demanderesse, à la suite de l'accident mortel de son concubin, déclarant que la demanderesse devait justifier d'un intérêt légitime juridiquement protégé Cette jurisprudence constante, sur le visa de l'article 1382 du Code civil, perdura jusqu'à ce fameux arrêt Dangereux du 27 février 1970 et la reconnaissance pour ne pas dire la consécration de l'indemnisation du concubinage par les chambres civiles. [...]
[...] Appel fut néanmoins interjeté devant la Cour d'appel ( CA ) de Paris connaissant de l'affaire le 16 octobre 1967 et infirmant le jugement de première instance au motif que le concubinage ne crée pas de droit entre les concubins, ni à leur profit vis-à-vis des tiers. Suite à l'arrêt rendu par la CA de Paris, un pourvoi est formé par la demanderesse en première instance, devenant demanderesse au pourvoi, devant la Cour de cassation, se réunissant en Chambre mixte le 27 février 1970 pour que soit fait droit. [...]
[...] En l'occurrence, l'article 1382 du Code civil, ni ne renvoyait, ni n'exigeait cette notion d'intérêt légitime juridiquement protégé, qui n'était que le fruit d'une fabrication jurisprudentielle pour mieux légitimer les refus d'indemnisation issus du concubinage, sous l'influence d'une morale persistante et résultante de la morale du début du XXème siècle et discréditant la situation de fait qu'est le concubinage. Par conséquent, la solution dégagée par la Cour suprême consacre le caractère réparable du dommage causé au concubin vif résultant de la mort de son compagnon du fait d'un tiers, ainsi que la prise en considération que le concubin survivant est une victime par ricochet c'est-à-dire souffrant à côté de la victime et subissant un préjudice direct donc indemnisable. [...]
[...] Le revirement de jurisprudence opéré par la Chambre mixte, marquant l'unification du droit sur la question de l'indemnisation du concubin vif, n'aurait pu cependant être, sans une interprétation remaniée de l'article 1382 du Code civil, disposant de la responsabilité délictuelle. II / Une interprétation novatrice de l'article 1382 du Code civil Revenant sur sa jurisprudence ancienne, la Cour suprême devait se résoudre à une interprétation plus large de l'article 1382 du Code civil, notamment en abandonnant l'exigence d'un intérêt légitime juridiquement protégé permettant ainsi, une évolution stable et continue de sa jurisprudence Dangereux A / L'abandon de l'exigence d'un intérêt légitime juridiquement protégé Abandonner la notion d'intérêt légitime juridiquement protégé, c'est en quelque sorte, pour la Cour de cassation, mettre de côté la dimension morale de sa jurisprudence en la matière. [...]
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