Cour de cassation, chambre criminelle, 10 novembre 2020, préjudice moral par ricochet, conditions de réparation, décès accidentel du père, enfant né sans père, véhicule terrestre à moteur, responsabilité civile, tribunal correctionnel, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, lien de causalité direct
En l'espèce, un accident de la circulation d'un véhicule terrestre à moteur entrainant la mort a été causé par une conductrice avec des circonstances aggravantes sous l'emprise de l'alcool et à une vitesse excessive. Cette dernière s'est rendue coupable d'homicide involontaire. L'accident a tué le parent d'un enfant à naitre dont la mère cherche à faire compenser le préjudice extrapatrimonial causé à ce dernier par ricochet de l'accident. L'épouse du défunt père va alors se constituer partie civile pour elle-même et en qualité de représentante légale de son fils et assigner l'assureur en responsabilité civile de la conductrice.
[...] (Cass., Civ. 2e octobre 2019, n°18-20.818). Les juges vont alors s'attacher à établir le lien de causalité pour engager la réparation de ce dernier. Dans la jurisprudence antérieure, la Cour de cassation avait plusieurs fois refusé l'indemnisation du préjudice moral d'affection d'enfants nés après le décès d'un parent affirmant d'une absence de lien de causalité entre le fait générateur, préalable à la naissance de l'enfant et le préjudice subi par ce - dernier. (Civ. 2e nov n° 09-68.903 et Civ. [...]
[...] Toutefois, par cet arrêt, la Cour de cassation constate la causalité entre le préjudice et l'accident comme cause du dommage. Les juges vont consentir à la fiction "puisque le profit de la réparation remonte rétroactivement à la conception de l'enfant, la naissance n'étant que le relais d'un droit antérieurement acquis", affirme Yves Mayaud dans l'adage infans conceptus confronté à la jurisprudence de la chambre criminelle. Ils établissent alors une causalité anachronique. Le manque de richesse de l'analyse sur la casualité, simplement affirmée, sera regrettable par rapport à la richesse de l'argumentation sur le préjudice dans l'arrêt. [...]
[...] Ainsi, pour caractériser l'élément moral, la Cour a implicitement établi avec certitude le préjudice né de la privation de la relation père-enfant. Par ailleurs, La Cour vient aligner sa solution avec la jurisprudence du 14 décembre 2017 à laquelle la chambre criminelle fait ici expressément référence en affirmant qu'elle « Statue dans le même sens, reconnaissant le droit de l'enfant, dès sa naissance, à demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu'il était conçu ». En somme, les juges admettent un préjudice futur qu'ils le considèrent comme certain. [...]
[...] Par ailleurs, les juges vont relever dans l'arrêt critiqué l'affirmation dans le pourvoi selon laquelle "l'enfant n'est pas encore conçu au moment de l'accident dont son père a été victime". Les juges font bien de refuser cette idée en affirmant que "contrairement à ce que postule le moyen, l'enfant était conçu au jour du décès de son père, intervenu un mois et sept jours avant sa naissance." La cour régulatrice approuve les juges du fond et démonte la fausse représentation de la réalité que le pourvoi introduisait, affirme la professeure Daury, l'assureur cherchait peut-être par ce moyen à empêcher la caractérisation certaine du préjudice. [...]
[...] Dans son moyen, l'assureur va contester l'arrêt et l'admission de la responsabilité intégrale de la conductrice en réparation du préjudice moral par ricochet du décès de son père causé à l'enfant à naitre. Il affirme que l'enfant n'étant pas encore conçu au moment de l'accident de son père, il ne pourrait se prévaloir de la réparation de son préjudice, étant né après le décès de la victime directe, il y aurait une absence de lien de causalité entre le fait générateur de responsabilités et les dommages. [...]
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