Fait du créancier, Bénéfice de subrogation, Droits préférentiels, Droits exclusifs
Selon Dimitri Houtcieff « La liberté du créancier est la source de sa contrainte : libre d'exercer une faculté, le créancier se doit d'agir au mieux des intérêts de la caution ».Cette idée ressort clairement de l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 3 mai 2006.
En l'espèce, le 15 mai 1991, une société a consenti à une autre un prêt destiné à financer l'acquisition de biens et de droits immobiliers dépendant d'un immeuble à usage de bureaux et de commerces. L'opération était garantie par une cession des loyers échus ou à échoir conditionnée par le non-paiement d'une échéance ; elle était par ailleurs assortie du cautionnement solidaire d'une personne physique. Les premières difficultés survinrent dans le cours de l'année même de la conclusion du contrat principal. La condition à laquelle était subordonnée la cession de loyers fut bientôt remplie sans pour autant que le créancier ne mette en oeuvre sa prérogative contractuelle : celui-ci espérait, en effet, une vente amiable des biens financés par le prêt qui aurait, selon lui, évité de précipiter la défaillance du débiteur tout en assurant un remboursement de la créance garantie. Le débiteur fut pourtant mis en liquidation judiciaire quelque temps après, et le prêteur réclama les sommes restantes dues à la caution. Cette dernière se prévalut du bénéfice de subrogation de l'ancien article 2037 du Code civil (devenu article 2314 du Code civil depuis l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés), reprochant au créancier de ne pas avoir exercé sa faculté d'obtenir la cession des créances et de l'avoir ainsi exposée à régler une somme deux cents fois supérieure à celle existant au jour de la réalisation de la condition. Les juges du fond accueillirent son argumentation. Le créancier se pourvut en cassation.
[...] La position de la chambre mixte ne résolvant pas les divergences La chambre mixte de la Cour de cassation manqua l'occasion de trancher la querelle entre les deux chambres de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 juin 2005. En effet, elle a jugé qu'un banquier bénéficiaire d'un cautionnement et d'un nantissement sur le matériel et outillage commettait une faute envers la caution en accordant au liquidateur la main levée de son nantissement. Il s'agissait donc un fait positif ordinaire et non le non-exercice d'une faculté. La chambre commerciale a donc maintenu le cap. La consécration de la transformation de la simple faculté pour le créancier en obligation lorsque les intérêts de la caution le commande. [...]
[...] La chambre commerciale conserve dans cet arrêt la solution selon laquelle le fait du créancier peut résulter du non-exercice d'une faculté Une telle solution a finalement été prise par la chambre mixte de la Cour de cassation, la première chambre civile a donc fini par se rallier à une telle position 1. Le fait du créancier pouvant résulter du non-exercice d'une faculté Dans cet arrêt, le créancier est sanctionné pour ne pas voir mis en œuvre son droit contractuel de bénéficier de la cession de créances, alors même qu'il aurait pu discrétionnairement exercer cette faculté s'il n'avait pas été garanti par un cautionnement. [...]
[...] La perte d'un droit préférentiel ou d'un droit exclusif par la faute exclusive du créancier et dommageable pour la caution, est sanctionnée par la décharge de la caution, ce qui correspond à la déchéance. C'est-à- dire par l'extinction de son obligation de règlement sans satisfaction du créancier Les extensions opérées par la Cour de cassation sont donc largement faites dans un souci de protection de la caution, au détriment du créancier. Une extension au bénéfice de la caution, au détriment du créancier Une telle solution au service des intérêts de la caution(1) et sévère pour les créanciers notamment ceux de bonne foi soulève des craintes quant à la protection de l'efficacité du cautionnement 1. [...]
[...] Le non exercice d'une faculté constitutive d'un fait du créancier Si la jurisprudence était partagée quant aux effets du non-exercice d'une faculté cet arrêt rendu par la chambre commerciale tranche en faveur de la transformation de la simple faculté pour le créancier en obligation lorsque les intérêts de la caution le commandent Une jurisprudence partagée quant aux effets du non-exercice d'une faculté par un créancier La divergence entre la première chambre civile qui avait une position favorable au créancier avec la chambre commerciale qui avait une position favorable pour la caution a nécessité la réunion d'une chambre mixte qui n'a néanmoins pas permis de résoudre les divergences 1. [...]
[...] On peut déplorer que le créancier perde le libre choix de sa stratégie en dehors de tout abus ou fraude dès lors qu'il a obtenu un cautionnement. Le cumul de garanties peut se transformer en piège pour le créancier, étant donné la lecture excessivement favorable aux cautions que fait la Cour de cassation de l'article 2037 du Code civil. Lorsqu'un créancier impayé s'interroge sur la meilleure stratégie à mettre en œuvre pour se faire payer, il doit raisonner non pas en considération de ses propres intérêts, mais en considération des intérêts de sa caution, sous peine de voir cette dernière brandir immédiatement contre lui l'article 2037 du Code civil Les craintes d'une telle solution quant à l'efficacité du cautionnement Cet arrêt oblige finalement les créanciers à préserver en toute circonstance les droits de leur caution, laissant craindre que l'article 2037 2314 du code civil, déjà très utilisé par les cautions ne le soit davantage encore, au détriment de l'efficacité du cautionnement. [...]
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