Cour de cassation chambre commerciale 29 juin 2010, déséquilibre contractuel, circonstances imprévisibles, caducité du contrat, engagement contractuel, théorie de l'imprévision, article 1195 du Code civil, absence de cause, force obligatoire du contrat, commentaire d'arrêt
En l'espèce, deux sociétés concluent un contrat à durée déterminée de 12 ans. La société A refuse de payer ses obligations puisque le prix des matières premières a considérablement augmenté et cela engendre un coût onéreux pour la société. Ce changement imprévisible de circonstances a provoqué une sérieuse perturbation de l'équilibre contractuel. Cependant, la société B exige le paiement des obligations prévues par le contrat, malgré ce changement de circonstances.
La société B saisit ainsi le juge afin que la société cocontractante procède au paiement de son engagement contractuel. Les juges du fond condamnent ainsi la société défenderesse à respecter ses obligations contractuelles au motif que l'obligation de la société A n'est pas sérieusement contestable.
[...] Cette décision de la Cour de cassation constitue un frein à la jurisprudence puisque l'application d'une révision du contrat pour imprévision était refusée depuis l'arrêt Canal de Craponne rendu par la Cour de cassation, le 6 mars 1876. La Cour de cassation décide ainsi de casser la solution de la Cour d'appel et des juges du fond qui appliquaient l'habitude jurisprudentielle. Auparavant, la jurisprudence a admis la renégociation du contrat, mais sur un autre fondement. Tel est le cas de l'arrêt Huard du 3 novembre 1992 dans lequel la Cour de cassation accepta la révision du contrat en raison d'un déséquilibre contractuel sur le fondement du principe de la bonne foi. [...]
[...] Ainsi, le présent arrêt démontre la prise de position de la Cour de cassation sur la théorie de l'imprévision, qui consiste en un changement de circonstances imprévisible se déroulant lors de la formation du contrat, ce qui rend l'exécution du contrat fortement onéreux pour l'un des contractants. Cet arrêt du 29 juin 2010 revêt une importance considérable dans l'acceptation de la théorie de l'imprévision. En effet, cet arrêt montre un revirement de jurisprudence de la part de la Cour de cassation, car elle a toujours rejeté l'éventualité d'une révision d'un contrat justifiée par un changement imprévisible de circonstances. [...]
[...] La société demanderesse se pourvoit en cassation au moyen que son obligation était sérieusement contestable puisque le changement imprévisible de circonstances a détérioré les conditions pour la bonne exécution du contrat conclu avec la société B. Selon le premier pourvoi en cassation, la Cour d'appel n'admet pas que la cause a disparu du fait du changement de circonstances imprévisible et selon le second pourvoi, l'arrêt attaqué dispose que la société A ait formé une nouvelle demande en appel qui ne contenait pas de lien avec les demandes formées à la juridiction de fond. [...]
[...] En droit civil, l'imprévision est une théorie en vertu de laquelle le juge doit, à titre exceptionnel, rétablir l'équilibre d'un contrat dont les conditions d'exécution ont été gravement modifiées au détriment de l'une des parties, à la suite d'évènements imprévisibles. En effet, lors de l'échange des consentements des parties, les obligations contractuelles ont été établies par la constatation des situations économiques de chacun. Ainsi, un changement circonstances entraînant une modification de la situation économique de l'une des parties va alors dégrader la situation de la partie en question. De ce fait, cela provoquera un déséquilibre dans la prestation des obligations réciproques en défaveur de l'une des parties. [...]
[...] La notion de cause n'est cependant pas rayée du Code civil comme le montre le nouvel article 1169 du Code civil qui prévoit la nullité d'un contrat à titre onéreux dans lequel la contrepartie établie lors de la formation du contrat est devenue dérisoire. Ce nouvel article du Code civil fait penser à la solution retenue par les juges de cassation du 29 juin 2010, lorsqu'elle rend caduc le contrat en raison de la contrepartie devenue insignifiante par le changement de circonstances. [...]
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