Cour de cassation, chambre commerciale, principe de liberté contractuelle, rupture des négociations, pourparlers, accord de cession, société acquéreuse, vendeur, réparation du préjudice, rupture fautive des pourparlers, abus de droit, faute délictuelle, cédants, rupture de négociations, gains, conclusion du contrat, faute d'un tiers, faute du cédant, sanction de la faute, juge, mauvaise foi, perte de chance, comportement déloyal, acceptation d'une faute, pouvoir créateur du juge, réforme de 2016
En l'espèce, une société est entrée en pourparlers avec les actionnaires d'une autre société en vue d'acquérir les actions de cette société. Les premières négociations engagées entre la société et les actionnaires de l'autre société ont conduit à un projet d'accord stipulant plusieurs conditions suspensives de cession à réaliser avant une date fixée par les parties. Au cours des pourparlers, la société acquéreuse a accepté les demandes de modifications des cédants sur l'accord. Un nouveau projet d'accord de cession a été adressé par la société acquéreuse aux vendeurs. Pourtant, les cédants informèrent leurs partenaires quatorze jours plus tard de la cession de leurs actions à une société tierce. L'acquéreuse assigna donc les vendeurs en réparation du préjudice subi du fait de la rupture fautive des pourparlers.
[...] Ainsi, une faute est donc ici admise par le juge dans le cadre de la rupture des pourparlers, justifiant son choix de confirmer le jugement antérieur attaqué par les parties. Bien que les cédants étaient libres de rompre les négociations, les circonstances de cette rupture étaient de nature à engager leur responsabilité et à ordonner réparation, tant celle-ci fut exécutée de mauvaise foi. Les cédants n'avaient plus vocation à conclure un contrat avec leur partenaire à l'issue des négociations, et avaient pourtant eu un comportement laissant croire l'acquéreur le contraire : c'est ici ce qui leur est reproché, et c'est ce qui est donc sanctionné. [...]
[...] La perte de chance de la victime de la rupture se trouve ici sujette à réparation. Plus intéressant encore, et toujours la même année, la Chambre commerciale avait relevé dans un arrêt du 25 février 2003 qu'une société victime d'une rupture fautive des pourparlers « avait subi une perte de chance d'obtenir les gains qu'elle pensait obtenir par la formalisation de la convention de partenariat comportant l'exclusivité à son profit, a pu décider que ce préjudice résultait de la faute commise par la société [cédante] ». [...]
[...] ] une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ». Les négociations parallèles entreprises ne sont ici aucunement remises en cause, ni à l'encontre du tiers, ni à l'encontre du cédant, à qui l'on reproche plutôt les circonstances dans lesquelles la faute ait pu être commise. La liberté contractuelle emporte donc nécessairement avec elle une liberté de négociation, emportant avec elle celle de pouvoir mener des négociations parallèles. Plus loin encore va la Cour de cassation dans cette logique, en admettant le principe de liberté de rompre. [...]
[...] Dans leurs écrits, les actionnaires de la société cédante invoquèrent le principe de liberté contractuelle dans la rupture des négociations, principe qui ne saurait être limité que par une faute d'abus de droit de rompre, qui n'aurait été ici identifiée par la Cour d'appel. Au soutien de son pourvoi, la société acquéreuse mobilisa elle deux moyens. D'abord, la société fait grief à l'arrêt d'avoir limité le préjudice réparable aux seuls frais engendrés au cours des négociations, sans l'avoir dédommagée ni des gains que celle-ci aurait pu obtenir de la conclusion du contrat, ni de la perte de chance d'obtenir ces dits gains, du fait de la rupture fautive des négociations par les cédants. [...]
[...] L'admission d'une irresponsabilité de la société tierce s'inscrit ainsi dans une démarche de préservation du principe de libre concurrence. Ce principe particulier se trouve ici préservé, tout comme l'acceptation d'une liberté de rompre. Le complexe équilibre entre préservation de la liberté de rompre et acceptation d'une faute Cet arrêt de la Cour de cassation pose une solution de principe, que l'on pourrait qualifier de novatrice. En choisissant de confirmer la condamnation des cédants et de mettre hors de cause la société tierce, tout en refusant d'étendre le degré de réparation espérée par la victime, le juge se pose ici dans le terrain de la liberté contractuelle. [...]
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