Si selon Jacques Ferron « la bonne foi ne sert qu'à se tromper soi-même », le droit ne semble pas l'ignorer, si bien que la Cour régulatrice semble même ériger cette maxime, ou tout du moins la quintessence qu'elle renferme, en véritable dogme juridique. C'est notamment ce qui semble ressortir à travers ces deux arrêts rendus par la Cour de cassation, l'un par la chambre commerciale en date du 24 avril 2007 et l'autre, par la première chambre civile en date du 30 octobre 2008.
En l'espèce, dans l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 24 avril 2007, une société (demanderesse initiale) avait donné en locations plusieurs véhicules automobiles à une autre société, dont l'objet social comprenait le négoce de véhicule terrestre à moteur, qui les a elle-même, par la suite, vendus à une société (demanderesse reconventionnelle). La demanderesse initiale assigna la demanderesse reconventionnelle, devant la juridiction de première instance compétente, en restitution, cette dernière demandant reconventionnellement la remise sous astreinte des certificats d'immatriculation.
Dans le second arrêt, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 30 octobre 2008, les faits d'espèce sont à peu près similaires à ceux de l'arrêt du 24 avril 2007. En effet, une société (demanderesse) avait donné en location un véhicule à une autre société qui l'avait vendu à une société l'ayant par la suite, elle-même revendu conjointement à deux autres sociétés (défenderesses). La demanderesse, revendiquant la propriété du véhicule, assigna les défenderesses devant la juridiction de première instance compétente en paiement d'une indemnité, la restitution du véhicule étant impossible.
[...] De plus, la possession est réputée de bonne foi lorsqu'il est fait preuve d'une attitude psychologique résidant dans la croyance, la connaissance ou comportement moraux, tendant vers la loyauté, d'un cocontractant dans la formation du contrat. A contrario, de la possession équivoque, il ne ressort pas clairement à quel titre sont accomplis les faits de possession. Ainsi, les arrêts rendus par la Chambre commerciale et première Chambre civile de la Cour de cassation en date des 24 avril 2007 et 30 octobre 2008 servent-ils d'illustration à ces principes. [...]
[...] Des solutions ambigües sur la nuance entre possessions de bonne foi et équivoque Sur le plan des principes juridiques tout d'abord, les arrêts des 24 avril 2007 et 30 octobre 2008 tentent d'apporter des éclaircissements sur la situation du possesseur mobilier selon que sa possession soit de bonne foi ou équivoque au moment de l'aliénation du bien en sa faveur. Néanmoins, il ne faut pas oublier que passé le moment d'entrée en possession, et en l'absence d'action en revendication, la bonne ou mauvaise foi dans la possession ne joue plus puisque le possesseur équivoque peut prescrire sa possession selon l'article 2276 alinéa 2 dans les trois ans, à compter du jour de la perte ou du vol Le droit de propriété, dans la limite des atteintes tolérées qui lui sont faites, est néanmoins réputé être absolu, imprescriptible et exclusif, de même qu'il a valeur constitutionnelle (article 544 du Code civil et articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789). [...]
[...] Enfin, il est assez étonnant que la Cour régulatrice juge un possesseur de bonne foi, alors qu'il fait l'acquisition d'un bien dont le détenteur et aliénateur, qu'il sait ne pas être le propriétaire, et sans le consentement de ce dernier, faisant à l'évidence défaut, preuve en est la procédure engagée pour la restitution du bien. En effet, rien n'indique réellement que la bonne foi, attitude psychologique résidant dans la croyance ou la connaissance ou comportement moral, tendant vers la loyauté, d'un cocontractant dans la formation du contrat, du possesseur de l'arrêt du 24 avril 2007 était avérée. Par conséquent, des doutes peuvent encore subsister dans l'appréciation de la possession de bonne pouvant facilement basculer en possession équivoque, de par une limite on ne peut plus perméable tenant notamment à des appréciations subjectives des magistrats. [...]
[...] En effet, à travers l'arrêt de rejet rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 24 avril 2007, la Cour précise que si aucune disposition n'oblige l'aliénateur à délivrer les documents administratifs afférents au véhicule concomitamment à la vente, l'acquéreur est de bonne foi dès lors que lui ont été présenté lesdits documents au moment de la vente alors que, selon l'arrêt rendu par la première Chambre civile en date du 30 octobre 2008, fait état d'une possession équivoque, l'acquéreur ayant accepté l'acquisition d'un véhicule sans se faire remettre la carte grise y afférente, ni, à tout le moins, vérifier que le vendeur détenait ce document. [...]
[...] Cependant, si la jurisprudence de la Cour de cassation tend vers la protection des propriétaires faisant preuve de vigueur dans la protection de leur droit et ayant notamment la chance d'avoir pu suivre la trace de leur bien, les propriétaires victimes de vol ou ayant perdu leur bien auront trois ans pour espérer recouvrir leur droit de propriété sur leur bien. Si ces trois années peuvent paraître suffisantes à certains, pour un droit imprescriptible c'est peu. C'est donc au-delà du moment de la prise de possession qu'il faut envisager les choses et ce, de manière plus stricte en élargissant le champ d'action des propriétaires sur leurs biens meubles. [...]
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