Cour de cassation chambre commerciale 20 mai 1986, cession d'actions à prix minimum, prix préfixé, clause prohibée, article 1844-1 du Code civil, clauses léonines, convention litigieuse, contentieux, promesse d'achat, fraude, pacte social, insécurité juridique
M. X ("le cédant") en son nom personnel comme au nom d'autres actionnaires a cédé plus des 2/3 des actions de la société Luze à la société Iéna Industrielle, filiale de la société Bowater. Le même jour, des promesses croisées d'achat et de vente ont été conclues entre les mêmes parties pour le reliquat de droits sociaux dont le cédant demeurait titulaire. Pourtant, le cédant a déchargé la société Iéna Industrielle de ses obligations, et cette fois-ci une promesse d'achat est conclue entre la société Bowater et M.X, prévoyant un prix minimum fixé à hauteur de 5 millions de francs. Après la levée de l'option dans le terme prévu, la société Bowater a refusé le paiement du montant préfixé.
[...] Or, dans le cadre de cette affaire, les juges le font, en écartant l'application de l'article 1844-1 du Code civil si l'objet de la clause prétendument léonine était de céder des droits sociaux. Pourtant, en matière civile l'interprétation ne doit pas être toujours stricte, la réalité pratique et économique doit être également prise en compte. Dans le même arrêt, les juges posent des atténuations à ce principe, notamment en cas d'atteinte au pacte social ou de fraude. Le caractère léonin de la clause apprécié à l'égard de son effet, en cas de fraude ou d'atteinte au pacte social La Cour de cassation estime qu'en cas de fraude ou d'atteinte au pacte social tel qu'il est défini par l'article 1844-1 du Code civil, la clause prétendument léonine doit être analysée à l'aune de son effet. [...]
[...] Or, selon le pourvoi, en l'espèce il s'agit notamment d'une clause léonine parce que le prix minimum garanti par la promesse aurait exonéré les bénéficiaires de ladite promesse des pertes subies par la société durant la période de la conclusion de la promesse et jusqu'à la levée de l'option. Dans ce contexte, la question posée à la Cour de cassation était de savoir si la cession d'actions à un prix minimum préfixé par les associés ne constitue pas une clause prohibée au sens de l'article 1844-1 du Code civil. La Cour de cassation rejette le pourvoi. [...]
[...] Toutefois, les décisions suivantes avaient pour but d'assouplir cette règle, à titre d'exemple l'arrêt du 15 juin 1982 (Cassation, ch. com juin 1982) qui fixe le critère de la localisation de la clause selon lequel : si la clause prétendument léonine ne figurait dans les statuts, l'article 1844-1 n'était pas applicable. Ainsi, il peut être remarqué que les juges tendent à adoucir cette règle gênante d'un point de vue pratique. L'arrêt du 20 mai 1986 s'encadre dans cette tendance d'assouplissement tout en substituant le critère de la localisation de la clause. [...]
[...] Ainsi, selon les juges de la haute juridiction civile, sont seules prohibées par l'article 1844-1 du Code civil les clauses portant atteinte au pacte social. Or, en l'occurrence l'objet n'était autre, sauf fraude, que d'assurer la transmission de droits sociaux moyennant un prix librement convenu. Par cet arrêt, la Cour de cassation énonce que dans le cadre de la qualification de la clause en tant que léonine, il faut distinguer son objet et son effet une solution qui renverse la jurisprudence précédente et qui accentue l'insécurité juridique dans le cadre de ce type de contentieux (II). [...]
[...] Néanmoins, dans une décision du 22 février 2005, la Chambre commerciale a pris en compte l'existence d'un aléa et non l'objet d'une promesse d'achat d'actions à prix plancher, pour en déduire qu'elle n'est pas léonine. En effet, les juges admettent que la limitation dans le temps de la promesse d'achat suffit à garantir l'aléa. Les juges ne dégagent pas un principe général, mais insistent sur une appréciation in concreto de la clause. À travers cette jurisprudence, même si le critère d'appréciation de la validité de la promesse d'achat d'actions à prix plancher change, le résultat reste le même, le caractère léonin n'est pas retenu et la position de la Chambre commerciale est confirmée 20 ans plus tard au contraire de celle de la Chambre civile. [...]
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