Arrêt du 5 février 2020, extinction du droit de propriété, commune, personne privée, personne publique, libertés individuelles, voie de fait ou d'emprise irrégulière, exception d'incompétence, abus de pouvoir, Tribunal des conflits, arrêt du 8 avril 1935, notion de gravité, arrêt du 17 juin 2013, article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
En l'espèce, un couple est propriétaire d'une parcelle clôturée par une haie végétale située en bordure d'une route. Après les avoir informés que des véhicules avaient été endommagés du fait de la présence de cette haie, la commune où se situe leur propriété a fait procéder, le 5 juillet 2014, à son arrachage sur toute sa longueur. Cependant, les propriétaires soutiennent n'avoir donné leur accord que pour un arrachage sur une longueur de quinze mètres, et sous réserve d'une participation financière de la commune à l'achat des matériaux nécessaires à la construction d'un mur.
Ainsi, les propriétaires, invoquant l'existence d'une voie de fait ou d'emprise irrégulière, ont saisi la juridiction judiciaire aux fins de réparation de leur préjudice. La commune a alors soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative. Dans des arrêts du 15 janvier 2019 et du 5 février 2019, la Cour d'appel d'Amiens rejette la demande des propriétaires. Ces derniers se pourvoient donc en cassation pour violation de la loi et défaut de base légale.
[...] Cour de cassation, 1re chambre civile février 2020, n°19-11.864 - Un abus d'autorisation d'une personne publique dans une opération de dépossession d'un bien appartenant à une personne privée permet-il un recours devant la juridiction judiciaire pouvant se solder par la réparation du préjudice commis ? Un ancien principe voudrait que le juge judiciaire soit le plus apte à préserver les libertés individuelles. Néanmoins, cette conception traditionnelle est complètement dépassée aujourd'hui. En effet, le juge administratif se voit connaître presque tous les contentieux des libertés dès lors qu'il oppose des particuliers à l'administration. [...]
[...] Par cette décision, la haute juridiction judiciaire protège le droit de propriété prévu à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. B. L'effet définitif de l'extinction de propriété entraînant l'incompétence définitive du juge administratif La Cour de cassation ne rappelle pas de façon hasardeuse la nécessité que le litige est abouti à l'extinction du droit de propriété. En effet, dans son arrêt « Bergoend contre Société ERDF Annecy Léman » du 17 juin 2013, le Tribunal des conflits effectue une restriction de sa jurisprudence de 1935, en décidant que l'atteinte au droit de propriété doit avoir un effet définitif. [...]
[...] En outre, les propriétaires affirment que leur droit de propriété sur les végétaux avait été définitivement éteint par l'action de la commune. À l'inverse, le tribunal de grande instance a jugé que cette opération d'arrachage ne constituait pas une extinction, mais seulement une atteinte au droit de propriété. La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante : un abus d'autorisation d'une personne privée dans une opération de dépossession d'un bien appartenant à une personne privée permet-il un recours devant la juridiction judiciaire pouvant se solder par la réparation du préjudice commis ? [...]
[...] Ainsi, au centre de la décision d'accepter ou non ce recours devant la juridiction judiciaire se trouve la question de l'accord des propriétaires. La Cour allègue alors qu'on ne peut pas exclure ces possibilités lorsque l'action de l'administration a excédé les limites prévues par cet accord. En l'espèce, il se trouve que la commune aurait excessivement dépassé la limite autorisée par les propriétaires. La Haute Juridiction profite donc de cet arrêt pour affirmer son rôle de gardien des libertés individuelles face à une administration pouvant parfois excéder les compétences qui lui sont attribuées. [...]
[...] Ainsi, pour pouvoir avoir recours à la voie de fait, un justiciable doit dès lors démontrer une extinction de son droit de propriété. En l'espèce, pour voir leur recours accepté par la Cour de cassation, les propriétaires devaient donc démontrer que l'action de la commune a bien eu un effet définitif sur leur bien. En centrant sa solution sur l'extinction du droit de propriété du couple, la Cour de cassation suit donc la jurisprudence du Tribunal des conflits. [...]
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