Cour de cassation, chambre civile, 16 septembre 2010, droits fondamentaux, exposition de cadavres, Encore Events, article 16 du code civil, dignité humaine, fins scientifiques, fins commerciales, libre disposition du corps humain, CEDH Cour Européenne des Droits de l'Homme, droit à la mort
En l'espèce, la société Encore Events avait organisé une exposition dans un local parisien de cadavres humains, plastinés, ouverts ou disséqués, installés pour certains, dans des attitudes évoquant la pratique de différents sports, et montrant ainsi le fonctionnement des muscles selon l'effort physique fourni.
Les associations «ensemble contre la peine de mort » et « solidarité Chine » ont demandé en référé la cessation de l'exposition, ainsi que la société en séquestre des corps et pièces anatomiques présentées, et la production par elle de divers documents lui permettant de justifier tant leur introduction sur le territoire français que leur cession par la fondation ou la société commerciale. On ne connait pas l'issue de la première instance. Un appel a été formé et la cour d'appel a condamné la société, qui a, par conséquent, formé un pourvoi en cassation.
[...] Vient ensuite la question du but de l'exposition et l'interprétation qui en a été faite par la cour. L'absence de limites posées par la Cour de cassation à l'art et à la science « Les restes des personnes décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence », pourtant tant au vu de la solution de la Cour de cassation que du contenu de l'exposition, on peut se demander s'il y a eu un réel attachement à la question de la dignité de la personne dans cette affaire. [...]
[...] La question ici est redondante, il s'agit de savoir si ce droit est prolongé dans la mort. A priori, il semble légitime que ce droit soit prolongé à la mort, il semble normal qu'une personne sache ce qu'il advient de son corps une fois passée sa mort de façon à donner son consentement ou son avis. Vient ensuite la problématique posée par le principe de libre disposition du corps humain dans sa vie, on peut alors légitimement se demander si ce droit est prolongé après sa mort, puisque si on peut décider de sa vie, pourquoi ne pourrait-on pas décider de sa mort ? [...]
[...] À ce sujet, Bernard Edelman a une opinion particulière puisqu'il reprend une décision du Conseil d'État du 21 mars 2007 autorisant une dérogation à cet article 16-3 du Code civil pour la chirurgie esthétique, alors cet auteur pose la question suivante : Si le législateur a dérogé au principe de la nécessité médicale au nom de l'esthétique, pourquoi la personne ne pourrait-elle pas autoriser que son cadavre soit, embelli, colorié ou découpé pour offrir à la postérité la belle image de la mort ? Il est vrai que de son point de vue la décision de la cour semble justifiée, mais revient encore une fois la question de la finalité. La démocratisation de la science justifie elle l'usage de cadavres pour une exposition ? [...]
[...] Ensuite, la cour a été plus loin que les recherches qui lui étaient demandées, à savoir de rechercher les conditions dans lesquelles les corps étaient présentés au public, puisqu'elle a recherché si les corps exposés avaient été traités avec respect, dignité et décence et s'ils étaient d'origine légale, ce qui prive sa décision de base légale. La troisième branche du moyen invoque un manque de recherche de la part de la cour d'appel, puisqu'elle n'a pas recherché si l'exposition avait pour objectif d'accroitre la connaissance du grand public, et l'exposition ayant des fins scientifiques, artistiques et éducatives, elle n'est pas comparable avec une exposition de momie évoquée par la cour. [...]
[...] Elle a ensuite, décidé le 6 novembre 2013 que le droit à l'image de la personne était un droit de la personne vivante, et qu'il ne se prolongeait pas après la mort. Elle en revanche, le 20 février 2001, jugé licite la publication par un journal d'une photo de victime d'un attentat au nom de la liberté d'expression et de la nécessité d'information. On le voit donc, il y a une certaine sensibilité en ce qui concerne les droits des personnes décédées, et on se rend compte avec ce rapide historique qu'il est finalement assez difficile de concilier les droits des morts et les droits des vivants, et cette question se retrouve également dans l'arrêt en l'espèce. [...]
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