Cour de cassation 3e chambre civile 14 février 2019, contrepartie, obligation de payer, annulation d'une vente, prix dérisoire, article 1131 du Code civil, ordonnance du 10 février 2016, vente d'un immeuble, article 1591 du Code civil, commentaire d'arrêt
En l'espèce, un contrat de vente d'immeuble a été conclu le 28 février 2011. Les acheteurs, ayant constaté des faiblesses aux pieds des cloisons du rez-de-chaussée ont, après expertise, assigné les vendeurs en nullité ou résolution de la vente pour dol, erreur, absence de cause ou garantie des vices cachés. Par un arrêt rendu le 12 octobre 2017 sur renvoi après cassation (arrêt de la troisième chambre civile du 4 mai 2016), la Cour d'appel de Bordeaux a rejeté la demande des acheteurs en annulation de la vente pour absence de cause. Elle relève que l'immeuble avait bien été délivré aux acheteurs et que ces derniers en avaient bien payé le prix aux vendeurs. L'obligation des acheteurs était donc bien pourvue d'une cause malgré la constatation ultérieure que la contrepartie du prix était dérisoire au regard de l'état de l'immeuble.
[...] La troisième chambre civile de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 14 février 2019 casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Bordeaux le 12 octobre 2017 au visa de l'article 1131 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Elle reproche à la Cour d'appel de ne pas avoir recherché si la contrepartie à l'obligation de l'acheteur de payer un prix n'était pas dérisoire au moment de la formation du contrat du fait de l'état de l'immeuble au jour de la vente à cette date. [...]
[...] Il a toujours été difficilement admis qu'une partie remette en cause un contrat au motif que celui-ci serait déséquilibré. En effet, les parties étant libres de déterminer librement les conditions de leur engagement, on considère qu'elles sont les mieux à même de définir leurs intérêts et donc d'assurer l'équilibre du contrat. En somme, l'acheteur a librement consenti à la nature de la contrepartie à son obligation de payer. De fait, très peu de mécanismes en droit français permettent de réparer le déséquilibre d'un contrat de vente invoqué par l'acheteur. [...]
[...] Objectivement donc l'obligation de payer de l'acheteur était pourvue d'une cause en ce qu'il a reçu en contrepartie le transfert de propriété du bien vendu. Toutefois, pour la Cour de cassation l'appréciation de la cause de l'obligation de l'acheteur devait se faire au regard de l'appréciation du caractère dérisoire, ou non, de sa contrepartie. En ce sens, la Cour de cassation semble appliquer une conception plus subjective de la cause de l'obligation de l'acheteur. C'est-à-dire qu'elle va rechercher les motifs personnels qui ont déterminé son consentement. [...]
[...] Par exemple, invoquer la nullité d'un contrat de vente d'immeuble pour absence de cause, car la valeur du bien immobilier aurait décoté ce qui rendrait dérisoire la contrepartie de l'obligation de payer un prix. Une telle pratique serait évidemment source d'insécurité juridique, car les contrats pourraient très facilement être remis en cause. Tout l'enjeu réside alors dans l'appréciation précise du jour où le déséquilibre a eu lieu. Or, en l'espèce, la Cour d'appel de Bordeaux ne l'a pas fait, mais s'est contentée de constater qu'au moment de la formation du contrat, l'obligation de l'acheteur avait une cause. [...]
[...] Cette conception est toujours dangereuse en ce qu'elle pourrait potentiellement conduire à annuler tout contrat qui ne serait pas rentable. L'acheteur pouvant de ce fait opposer que son opération économique n'était finalement pas faisable et qu'ainsi son obligation de payer son fournisseur était sans cause. De fait, cette jurisprudence a été abandonnée et notamment dans un arrêt de la chambre commerciale du 9 juin 2009 dans laquelle elle affirme que pour apprécier l'existence d'une cause il fallait uniquement vérifier l'existence d'une contrepartie et non pas prendre en compte les mobiles des parties. [...]
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