Responsabilité, médecin, maladie nosocomiale, patiente, virus, hépatite C, liquide sclérosant, Pascale Deumier, jurisprudence, application rétroactive, revirement, article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, procès équitable, unanimité, règle de droit
Dans le cadre d'un traitement de ses varices, réalisé entre le 27 septembre 1981 et le 11 janvier 1982, une patiente subit une contamination par le virus hépatite C, par l'injection d'un liquide sclérosant. La patiente met en cause la responsabilité de son médecin.
Elle assigne son médecin devant un tribunal de première instance. Une décision est rendue et un appel est interjeté. La Cour d'appel de Bordeaux rend, le 16 avril 2008, une décision favorable à la patiente. En effet, elle déclare le médecin responsable de la contamination de sa patiente et le condamne à lui verser une indemnité en réparation de son préjudice. Le médecin se pourvoit en cassation.
[...] Dès lors, le principal argument invoqué pour contester le principe de rétroactivité du revirement de jurisprudence est la mise à mal de la sécurité juridique. L'impératif de sécurité juridique commande que soient sauvegardées la prévisibilité des situations et les espérances légitimes des justiciables. Or la Cour de cassation estime que « la sécurité juridique invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable [ . ] ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du droit d'accès à un juge ». [...]
[...] Il est d'ailleurs intéressant de noter que la Cour de cassation n'emploie pas le terme de revirement de jurisprudence mais « d'évolution de la jurisprudence » pour mettre en avant une continuité de la jurisprudence plus qu'une rupture. Pour autant, si la Cour de cassation a admis une exception, le fait de la restreindre à l'accès à un juge est critiqué puisqu'il vide en quelque sorte l'article 6§1 de la Convention d'une partie de sa substance. Une décision relativement cohérente fondée sur une interprétation contestée La décision rendue par la Cour de cassation est juridiquement cohérente au vu des précédents arrêts rendus dans sa lignée, mais elle introduit une nuance L'interprétation que fait la Cour de cassation de l'article 6§1 de la CESDH est dès lors contestable du fait de l'ajout de cette nuance Une décision motivée par des arrêts antérieurs mais pas seulement En elle-même, la décision de la Cour de cassation semble juridiquement cohérente. [...]
[...] La Cour de cassation explicite une partie de ce droit à un procès équitable dans un arrêt d'Assemblée plénière du 21 décembre 2006. Dans le cadre de cet arrêt, elle considère que l'application immédiate d'une règle de prescription aboutirait à priver la victime d'un procès équitable en lui interdisant l'accès au juge. On peut comprendre alors que la possibilité d'accès au juge est l'une des conditions du droit à un procès équitable. Or dans l'arrêt du 11 juin 2009, elle réduit le droit à un procès équitable à la possibilité d'accès à un juge ; ce n'est plus l'une des conditions du droit à un procès équitable, c'est la condition du droit à un procès équitable. [...]
[...] Cornu définit le revirement de jurisprudence comme « l'abandon par les tribunaux eux-mêmes d'une solution qu'ils avaient jusqu'alors admise ; l'adoption d'une solution contraire à celle qu'ils consacraient ; le renversement de tendance dans la manière de juger ». En effet, puisque la décision du juge intervient après l'entrée en vigueur de la loi, même si le juge opère un revirement de jurisprudence, la loi est toujours la même. Dès lors, la jurisprudence nouvelle s'applique à des faits antérieurs à sa consécration. La tendance contemporaine semble, toutefois, atténuer la rigidité de ce dogme classique. Si les arrêts de règlements sont aujourd'hui prohibés par l'article 5 du Code civil, l'activité créatrice de la jurisprudence n'est plus à démontrer. [...]
[...] Cette décision est critiquée car elle est fondée sur une interprétation relativement réductrice et unilatérale du droit à un procès équitable. La solution établie peut paraître `injuste' au demandeur qui espérait pouvoir se reposer sur une jurisprudence établie à l'époque des faits. Il est par ailleurs intéressant de noter que l'arrêt ne contient aucun visa ; la Cour ne fonde pas son argument sur un article de loi, mais seulement sur « une règle de droit issue d'un revirement de jurisprudence » qu'elle a elle-même crée. [...]
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