Force majeure, exonération, responsabilité, transporteur ferroviaire, faute, victime, article 1147 du Code civil, obligation de sécurité, obligation de résultat, droit de l'Union européenne, article 11 du règlement européen du 23 octobre 2007, préjudice, imprudence, revirement de jurisprudence, Hugues Kenfack, Patrice Jourdain, primauté
En l'espèce, le 3 juillet 2013, une voyageuse circulait dans un compartiment bondé. Munie d'un titre de transport, elle a été victime d'un écrasement du pouce gauche à la suite de la fermeture de la porte automatique.
Le 16 juillet 2014, la victime de l'accident assigne l'entreprise ferroviaire en réparation de l'intégralité de son préjudice corporel. Elle se fonde sur l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Selon la voyageuse, le transporteur ferroviaire a manqué à son obligation de sécurité de résultat. Il ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité contractuelle, car la faute ne présente pas les caractères de la force majeure. Mais le transporteur ferroviaire se fonde sur l'application du droit de l'Union européenne. Aux termes de l'article 11 du règlement européen du 23 octobre 2007, le transporteur ferroviaire dispose de l'exonération de sa responsabilité lorsque la victime de l'accident a commis une faute simple.
L'application du droit français viendrait restreindre l'exonération de sa responsabilité à la seule faute de la victime, qui présente les caractéristiques de la force majeure. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence rend un arrêt, en date du 21 décembre 2017. Les juges déclarent le transporteur ferroviaire entièrement responsable du préjudice subi par la voyageuse. Ils rejettent le moyen du défendeur, selon lequel la seule faute d'imprudence de la victime l'exonère de sa responsabilité. L'entreprise ferroviaire se pourvoit en cassation.
[...] Patrice Jourdain relativise également la portée de l'arrêt du 11 décembre 2019. Il évoque qu'il est sans doute plus juste d'y voir une simple mise à l'écart du droit commun au profit d'une application exclusive du règlement européen . Les juges semblent avoir trouvé la solution applicable à ce conflit de normes, plutôt que d'avoir opéré un revirement de jurisprudence. Mais cet arrêt constitue tout de même une évolution au sein du droit interne français. L'application du règlement européen constitue une certaine unification du régime de la responsabilité des transporteurs. [...]
[...] Cour de cassation, 1re chambre civile décembre 2019 - Faut-il limiter l'exonération de la responsabilité du transporteur ferroviaire à la seule faute de la victime présentant les caractères de la force majeure ? Faut-il limiter l'exonération de la responsabilité du transporteur ferroviaire à la seule faute de la victime présentant les caractères de la force majeure ? Telle était la question à laquelle a dû répondre la première chambre civile de la Cour de cassation, le 11 décembre 2019. En l'espèce, le 3 juillet 2013, une voyageuse circulait dans un compartiment bondé. [...]
[...] On se demande si la distinction entre la responsabilité contractuelle et extracontractuelle va être maintenue. Le revirement de jurisprudence tend à relativiser cette distinction entre ces deux responsabilités. Malgré qu'elles soient soumises à deux régimes divers, elles se rassemblent sur plusieurs points. Plus l'on se dirige vers un élargissement de l'exonération de la responsabilité du transporteur ferroviaire, plus les deux responsabilités perdent en autonomie. Elles se rapprochent peu à peu. Ainsi, le revirement de jurisprudence observé dans l'arrêt du 11 décembre 2019 tend vers une relativisation. [...]
[...] Cela engendrerait une exonération totale de la responsabilité du transporteur ferroviaire. On retrouve ce cas de figure dans l'arrêt du 6 octobre 1998, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation. On devrait être confronté à cette possibilité, seulement dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle. Mais en l'espèce, l'arrêt du 11 décembre 2019 s'inscrit bien dans le cadre de la responsabilité contractuelle. Dès lors que la voyageuse était munie d'un titre de transport , elle bénéficie de son droit à réparation. [...]
[...] La Cour de cassation se fonde sur cet article pour rejeter l'application de l'ancien article 1147 du Code civil. Il se retrouve inférieur à la disposition du règlement européen, au vu de la hiérarchie des normes. Le professeur Hugues Kenfack affirme que la Cour de cassation a fait prévaloir le droit de l'Union européenne sur le droit interne français en décidant que désormais une faute simple de la SNCF peut entraîner une exonération partielle ou totale de sa responsabilité contractuelle . [...]
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