Le mariage est un acte juridique solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont la loi civile règle les conditions, les effets et la dissolution. Il est important de relever qu'il s'agit de la loi civile et non pas de la loi religieuse. Aujourd'hui en France et depuis la révolution française, le mariage a un caractère civil. Aussi, on reconnaît désormais la liberté matrimoniale qui permet à toute personne de décider, sans restriction ni contrainte, de se marier ou de ne pas se marier. Il faudra consacrer des développements aux clauses qui dans des contrats, sont susceptibles de venir limiter la liberté du mariage et donc témoignent de l'existence d'une pression qui s'exerce sur la volonté des époux potentiels.
L'arrêt qui nous est présenté est un arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 9 mai 1978.
Une femme a été licenciée par son employeur de son poste d'institutrice dans un établissement privé lié à l'Etat, en raison de son remariage après son divorce. Cette dernière assigne son employeur (l'établissement religieux) en justice lui réclamant réparation pour licenciement brutal et pour avoir porter atteinte à la liberté de mariage et à la liberté religieuse.
Il s'agit là d'un deuxième pourvoi en cassation devant l'Assemblée plénière, à l'encontre de la décision prise par la cour d'appel ayant statué sur renvoi après première cassation. Le premier pourvoi en cassation avait fait droit à la licenciée demanderesse au regard de la faute commise par l'employeur en licenciant un employé pour l'exercice d'une liberté fondamentale (la liberté de mariage et liberté religieuse). D'autant plus, d'après la cour, que l'employée d'un établissement, certes catholique, n'est pas tenue dans sa vie privée de respecter la morale catholique. Les juges du fond de la cour d'appel ayant statué sur renvoi après cassation ont, en revanche, débouté la demanderesse de sa réclamation de réparation du préjudice causé par l'établissement catholique scolaire, au moyen que lorsque la demanderesse a signé son contrat de travail, ses convictions religieuses avaient été volontairement prises en compte; et que l'établissement religieux l'avait licenciée afin de "conserver son caractère propre et sa réputation". C'est pourquoi cette dernière (la demanderesse institutrice) reformule un second pourvoi en cassation.
Une clause de viduité, par laquelle un avantage est consenti à une personne à la condition qu'elle renonce à se remarier, est-elle valable et a-t-elle vocation à être reconnue dans son intégrité par la jurisprudence?
Par ailleurs, le caractère confessionnel d'un établissement constitue-t-il un motif impérieux justifiant une atteinte à la liberté du mariage?
L'assemblée plénière de la cour de cassation, dans son arrêt, rejette le pourvoi aux mêmes motifs que la cour d'appel, précisant que le fait que cet établissement soit lié à l'Etat ne lui enlève pas son caractère propre "d'établissement religieux catholique".
Il s'agira de voir dans le cadre de cet arrêt de l'Assemblée plénière de la cour de cassation, tout d'abord en quoi cette clause de non remariage stipulée dans le contrat de travail constitue une limite à la liberté matrimoniale consacrée dans de nombreux textes (I), une entrave que la jurisprudence se permet de sanctionner ou pas selon les cas, nous amenant à nous interroger sur la protection qu'elle fait de cette liberté (II).
[...] Peut-être serait-il plus pertinent de parler de "droit au mariage". Un droit au mariage qui serait un droit individuel d'ordre public auquel il ne peut être dérogé dans un contrat à titre onéreux sauf raison impérieuse tirée de la nature des fonctions ou de leurs conditions d'exercice. Néanmoins, d'après le droit, une liberté ne peut être supprimée, elle peut seulement être réduite, encadrée, voire réglementée, mais dans les limites uniquement nécessaires. C'est ce que signifie la formule de l'article L. [...]
[...] C'est ainsi que la Cour de cassation a jugé valable le licenciement de l'employée de l'établissement privé qui s'est remariée après avoir divorcé, alors que dans son contrat de travail il était stipulé une clause de viduité. Néanmoins, nous pouvons souligner le fait que cet arrêt est discutable, dans la mesure où la Haute juridiction n'indique pas en quoi le remariage de cette employée contrevenait "aux nécessités impérieuses" de sa profession. D'ailleurs, la Cour de cassation n'en a pas toujours jugé ainsi de façon favorable à l'employeur, par exemple dans un arrêt du 7 février 1968 concernant la validité d'une clause de célibat insérée dans un contrat entre une mutualité d'assurance et une assistante sociale, la Cour de cassation, estimant qu'il n'y avait pas faute de nécessités impérieuses, tirées de la nature des fonctions ou de leurs conditions d'exercice, affirme qu'il y a donc atteinte à la liberté du mariage et refuse donc de faire produire ses effets à la clause. [...]
[...] Entorse grave (bien que soumise au contrôle judiciaire) cette solution a donc été admise non seulement dans le cadre des affaires hôtesses de l'air mais aussi dans l'affaire qui nous intéresse qui est celle de l'enseignante de l'établissement catholique sous contrat. Ainsi, il y aurait des libertés que l'on pourrait transgresser. Si on compare cette solution de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation de 1978 avec une autre solution jurisprudentielle de la Cour de cassation du 30 avril 1963, dans laquelle la compagnie Air France imposait aux hôtesses de l'air une clause de célibat, on remarque que la jurisprudence dans cette autre affaire affirme l'atteinte à la liberté matrimoniale. [...]
[...] On voit immédiatement que, si l'essentiel de la vie privée se situe hors de l'entreprise, une partie de cette vie privée continue même pendant le travail comme c'est le cas avec cette clause qui empêche l'employée divorcée de se remarier, cela ne semble pourtant rien à voir avec sa profession d'enseignante. Dans quelle mesure l'autorité de l'employeur peut-elle s'exercer en ce domaine très sensible ? Lorsque le salarié n'est pas au travail, l'intimité de sa vie privée est pratiquement absolue. La difficulté naît de l'établissement privé catholique qui veut plier ses salariés à leurs options philosophiques ou religieuses en donnant des ordres ou des instructions qui s'immiscent dans des domaines très personnels. [...]
[...] Aussi, on reconnaît désormais la liberté matrimoniale qui permet à toute personne de décider, sans restriction ni contrainte, de se marier ou de ne pas se marier. Il faudra consacrer des développements aux clauses qui dans des contrats, sont susceptibles de venir limiter la liberté du mariage et donc témoignent de l'existence d'une pression qui s'exerce sur la volonté des époux potentiels. L'arrêt qui nous est présenté est un arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 9 mai 1978. [...]
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