« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue. » C'est ainsi que l'article 544 du code civil définit la propriété. Cela laisse donc à penser que nul ne saurait utiliser le bien d'autrui pour en tirer un quelconque bénéfice sans que le propriétaire du bien n'ait son mot à dire, et éventuellement, sans qu'il ne puisse le cas échéant en tirer un bénéfice.
Or, par un arrêt de rejet du 7 mai 2004, l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation semble remettre en cause le caractère exclusif du droit de propriété. La SCIR Normandie et la SCP Hôtel de Girancourt sont à l'origine de cet arrêt. En effet, un hôtel particulier rénové a été utilisé sans l'accord du propriétaire pour des dépliants publicitaires, donc à des fins mercantiles. La SCP Hôtel de Girancourt a introduit une action en justice pour obtenir de la SCIR Normandie réparation. La Cour d'Appel a débouté la SCP de ses prétentions, ce qui l'a conduit à se pourvoir en cassation sur le fondement de l'article 544 du code civil. Elle invoque au soutien de son pourvoi le caractère absolu du droit de propriété, le droit de jouir pleinement des fruits susceptibles d'en découler ou à défaut, de percevoir une juste rémunération de ceux-ci, et enfin la volonté explicitement exprimée, par des cartes postales, de ne pas reproduire par un tiers la façade de l'Hôtel. La demanderesse au pourvoi demande en définitive à la cour si le droit de propriété peut subir des limites ? Si oui, dans quelles mesures ? La Cour a ici mis un tempérament important en remettant en cause ce caractère exclusif, et donc en rejetant le pourvoi.
Ainsi, la Cour accepte le caractère absolu du droit (I), mais interprète audacieusement l'article 544 (II).
[...] Enfin, les cartes postales qui incitent à ne pas reproduire l'image dissipent tout doute sur la volonté des propriétaires. Cette démarche assez curieuse de la Cour de Cassation qui remet véritablement en cause la jurisprudence, la doctrine voire l'esprit de la loi relève d'une interprétation osée de l'article 544 du code civil. II. Une interprétation audacieuse de l'article 544 La notion de trouble anormal évoquée en fin de décision est en effet assez nouvelle, et comparée à l'article 544 nous pose cette question : jusqu'à quel point ce genre d'interprétation ne recouvre pas l'arbitraire ? [...]
[...] Commentaire d'arrêt, Cour de Cassation, Assemblée Plénière mai 2004, portant sur le caractère exclusif du droit de propriété La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue. C'est ainsi que l'article 544 du code civil définit la propriété. Cela laisse donc à penser que nul ne saurait utiliser le bien d'autrui pour en tirer un quelconque bénéfice sans que le propriétaire du bien n'ait son mot à dire, et éventuellement, sans qu'il ne puisse le cas échéant en tirer un bénéfice. [...]
[...] Et la jurisprudence casse ce principe qui semble, lui, davantage fonder sur la loi (article 544 et 546 du code civil). B. Une interprétation justifiable mais en l'espèce contestable En introduisant davantage de souplesse et d'équité dans l'interprétation des textes, on peut globalement admettre le raisonnement de la Cour. En effet, celle-ci a pu vouloir limiter les excès de recours devant les juridictions de toute personne qui verrait son bien exposé en public. Néanmoins, dans cette espèce, on ne peut s'empêcher de relever les particularités tenant à l'hôtel particulier. [...]
[...] La Cour a ici mis un tempérament important en remettant en cause ce caractère exclusif, et donc en rejetant le pourvoi. Ainsi, la Cour accepte le caractère absolu du droit mais interprète audacieusement l'article 544 (II). I. Le caractère absolu du droit de propriété Depuis 1789, le droit de propriété devrait être inviolable et sacré La loi nous invite à le considérer ainsi. D'une part l'article 544 du code civil l'énonce avec une clarté rare (en reprenant ainsi l'idée contenue dans l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, intégrée au bloc de constitutionnalité en 1958) d'autre part, la volonté du propriétaire peut également être fondamentale. [...]
[...] En quelque sorte, on pourrait qualifier l'action de la SCIR de purement égoïste, toute connotation péjorative mise à part, mais simplement en constatant que le but était privé, et de plus, la volonté était de faire du profit. Considérant cette volonté et son résultat, on peut imaginer que l'idée de Justice commande une juste rémunération de la SCP dont le bien a indirectement produit des fruits. Et ce ne serait pas contraire non plus à l'interprétation que l'on pourrait faire de l'article 544. Une sorte d'accord rationnel entre le Droit et la morale. [...]
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