La cause en droit français peut-être perçue comme un moyen de réguler et de protéger les valeurs sociales confiant aux juges un rôle d'arbitre des bonnes mœurs. En effet, pour qu'un contrat soit valablement formé, il est nécessaire que celui-ci dispose d'une cause et que celle-ci soit de surcroit licite. S'il est aisé de déterminer ce qui est licite ou non au regard de la loi, il est beaucoup plus délicat de déterminer ce qui doit être considéré comme juste au regard des bonnes mœurs.
En l'espèce, un nonagénaire marié depuis plusieurs dizaines d'années avait noué une relation adultérine. À son décès, son épouse découvre qu'il avait institué cette dernière légataire universelle par testament. La légataire réclamant son dû, la femme trompée engage une procédure visant à l'annulation du legs estimant ce dernier contraire aux bonnes mœurs.
Peut-on annuler la libéralité consentie à l'occasion d'une relation adultère au motif que celle-ci est ne converge pas avec l'opinion publique ?
[...] Pour exemple, la construction ou du moins l'intégration importante de la notion de bonnes mœurs ne peut avoir lieu que dans des nations profondément religieuses ou alors développées sur un modèle tribal. Le juge en l'espèce consacre une évolution par rapport à la jurisprudence traditionnelle qui ne permettait pas les libéralités entre concubins. Cette approche confirme l'envie du magistrat de se retirer progressivement d'un domaine qui ne fait jour que de ses opinions personnelles. Il n'existe pas de sondage d'opinion systématique concernant toutes les questions soumises à la Cour de cassation, il est pourtant fort possible que celui-ci aurait donné tort à la Haute juridiction. [...]
[...] II Un arrêt ayant une portée réelle Cet arrêt remet en cause la force probante du mariage ce qui peut causer un trouble au sein de la société La force probante du mariage mise à mal La validation de la libéralité opérée par la Cour de cassation en la jugeant conforme aux bonnes mœurs et à l'ordre public entraine de nombreux effets et notamment dans le domaine de l'institution du mariage. On a observé lors du Xxème siècle un vaste mouvement d'affaiblissement de cette institution La solution rendue par la Cour de cassation affaiblit une nouvelle fois la force du mariage. Pourtant il existe dans le Code civil de nombreuses dispositions visant la protection du mariage. Ainsi il est précisé à l'article 212 du Code civil un devoir de fidélité entre les époux. Cette norme législative s'imposant au juge ne trouve pas d'application en l'espèce. [...]
[...] Cette détermination subjective de la cause a été appliquée par la Cour d'appel de Paris le 9 janvier 2002. Elle précise notamment que le leg universel avait pour vocation la rémunération de faveurs sexuelles. La Cour de cassation rejette cette vision subjective de la cause et abandonne sa fonction “moralisatrice” en se limitant à une détermination objective de la cause. Il est en effet indispensable de scruter les causes subjectives afin de prouver la non-laïcité d'une libéralité, le juge doit donc se poser en inspecteur des âmes et consciences et scruter le cœur d'autrui . [...]
[...] L'échec du modèle d'intégration républicain a conduit à la multiplication de modèles sociaux sur le même territoire, mettant ainsi à mal la notion pourtant juridique de bonnes mœurs. C'est pourtant au juge de déterminer in concreto ce qui doit être considéré comme en accord avec les bonnes mœurs ou non. Si sa mission était autrefois facilitée par une domination du modèle social apporté par l'église chrétienne, la séparation de cette dernière avec l'Etat au début du Xxème siècle a conduit à une évolution brutale des mœurs. La diminution de l'influence du modèle religieux sur les esprits entraine une plus grande autonomie de l'individu. [...]
[...] Toutefois, il est possible que la Cour de cassation rende une décision contraire à l'espèce estimant que la cause de la libéralité était manifestement illicite car encadrant une activité favorisant l'adultère. Même après la loi de 1975, ne reconnaissant plus l'adultère comme une faute pénale, il demeure une faute civile . Il n'y a pas qu'en droit de la famille que cette solution emporte des conséquences, la possibilité de rémunérer des faveurs sexuelles ouvre de nouvelles portes au commerce de la chair. [...]
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