Cour de cassation, assemblée plénière, 17 novembre 2000 - Le lien de causalité

Extraits

[...] En ce sens, la Cour de cassation reconstitue a posteriori une conjecture qui, par sa nature hypothétique, ne permet pas de caractériser le dommage comme certain et direct. La chaine causale exploitée dans le modèle d'équivalence des conditions par la Cour ne trouve ainsi viciée. Toutefois, en l'espèce, la solution de l'affaire Perruche réside effectivement dans le lien de causalité puisque les motifs de la Cour de cassation pour casser l'arrêt attaqué, aussi controversés et discutables qu'ils soient, sont viables juridiquement et tendent à caractériser une corrélation entre un fait générateur initial et un préjudice subséquent qui amalgame naissance et handicap. [...]

[...] Ce faisant, le manquement contractuel au devoir d'information empêche la mère de recourir à l'IVG. Le préjudice est donc d'être né avec le handicap, c'est-à-dire la naissance comme un préjudice indemnisable pour l'enfant. Distinction entre deux préjudices Fixer une distinction entre deux préjudices, comme le fait implicitement la Cour de cassation, permet de faire émerger de deux approches différentes en ce qui concerne le lien de causalité, deux modèles théoriques admis juridiquement, valable indifféremment dans la jurisprudence. En prenant en considération l'intention de la mère de recourir à l'IVG en cas de diagnostic positif, alors il convient d'admettre le rapport causal entre la faute médicale et la continuation de la grossesse. [...]

[...] La solution de l'affaire Perruche est apportée par l'arrêt susmentionné du 17 novembre 2000, aux termes duquel la Cour de cassation répond par l'affirmative à cette question de droit. Il s'agit de montrer que la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d'appel en établissant l'existence d'un lien de causalité entre la faute médicale et le préjudice subi par l'enfant. La faute médicale, consistant en une erreur de diagnostic ayant failli à détecter la rubéole lors de l'examen intra-utérin, est établie. [...]

[...] La théorie adoptée par la Cour de cassation A contrario, les deux cours d'appel avaient opté pour la théorie de la cause adéquate, ce qui avait abouti au constat de l'absence de lien de causalité entre la faute médicale et le damage subi par l'enfant. Il convient de relever que la Cour demeure ambiguë dans l'exposé de ses motifs, sans jamais formuler explicitement la nuance avec l'arrêt attaqué dans le poste de préjudice qu'elle retient et sans clarifier le raisonnement établissant un lien causal. [...]

[...] L'affaire Perruche constitue un jalon majeur de la jurisprudence du fait de l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 17 novembre 2000. Dans cette affaire, une erreur médicale avérée déclare à tort la bonne santé du fœtus que porte la femme examinée. Celle-ci craignait que l'enfant qu'elle attendait soit affecté par la rubéole, auquel cas elle aurait eu recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). L'enfant nait lourdement handicapé et la mère demande réparation sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle pour le préjudice qu'elle a subi, mais aussi le préjudice subi par l'enfant né handicapé. [...]