Cour de cassation 3e chambre civile 30 novembre 2017, suspension du délai de prescription pour une action en nullité, anciens articles 2253 et 1304 du Code civil, contrat sans objet, rétrocession de part sociale, juges du fond, vente, ancien article 2253 du Code civil, article 2236 du Code civil, commentaire d'arrêt
Un contrat sans objet est nul, voilà un des principes essentiels du droit contractuel. Ce principe est en effet le thème de cet arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 30 novembre 2017.
En l'espèce, un couple marié sous le régime de séparation des biens sont, tous les deux associés dans une société civile d'immobilier. Le mari cède à sa femme plus de la moitié des parts. Par un acte du 18 août 2004, une rétrocession sans objet intervient au sein du couple. Par un jugement en date du 27 septembre 2012, le divorce du couple est prononcé. La femme est alors en justice contre son ex-mari pour vileté de la rétrocession et demande la nullité du contrat de rétrocession.
Par un jugement rendu le 21 mai 2015, la Cour d'appel de Nîmes prononce la nullité du contrat de rétrocession. L'homme forme alors un pourvoi en cassation pris en deux moyens.
Sur le premier moyen, l'intimé avance que pour prononcer la nullité d'une rétrocession il faut que le prix soit dérisoire ou vil c'est-à-dire sans objet. Ce déséquilibre contractuel sera sanctionné par la nullité relative qui trouve son fondement dans les intérêts privés des pollicitants.
[...] Ce type de contrepartie inexistante est dérisoire et elle est sanctionnée par la nullité relative du contrat. En effet, le contrat dérisoire est un contrat vil de prix. L'assimilation d'une vente dérisoire à une vente à vil prix engendrant une nullité relative La contrepartie dérisoire intervenue lors d'un contrat de rétrocession se définit comme un engagement qui n'a pas de justification lorsque le prix de vente des parts sociales est inexistant ou alors en dessous de la valeur réelle. Ce prix dérisoire forme un contrat dérisoire qui lui est sanctionné par la nullité relative du contrat. [...]
[...] En effet, la vileté de la vente de part sociale est assimilée à une vente nulle de prix qui explique alors que le contrat de rétrocession soit sanctionné par une nullité relative du prix. Cette solution rendue le 30 novembre 2017 s'inscrit dans la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, la chambre commerciale sanctionne elle aussi la vileté du prix dès lors que le contrat est dérisoire. Dans un arrêt du 22 mars 2016, la chambre commerciale sanctionne la cession de part sociale dérisoire par une nullité relative du contrat. [...]
[...] La nullité relative d'un contrat de vente est soumise à un délai de prescription de cinq ans qui est suspendu lorsque le contrat intervient entre époux. Ce délai de prescription ne peut en revanche s'appliquer lorsque le contrat vil de prix intervient entre deux époux associés dans une société civile d'immobilier. Selon le pourvoi l'action en nullité est prescrite. Par conséquent, la Cour d'appel aurait violé les anciens articles 2253 et 1304 du Code civil. La suspension d'un délai de prescription doit-elle être prise en compte lors d'une rétrocession de part sociale intervenue entre époux ? [...]
[...] C'est en effet ce qui est présent dans le cas d'espèce, la dissolution du mariage a été prononcée par le divorce des époux le 27 septembre 2012. Plus généralement, la paix des ménages justifie alors largement la suspension de la prescription. Cette suspension prévue par le législateur dès 1804 vient aussi justifier la protection des époux. Il est alors possible de l'inscrire dans le souci de protection des justiciables. L'application stricte de la règle de droit du cas d'espèce rejoint la protection des pollicitants tout en illustrant un des principes fondamentaux du droit : à savoir protéger les personnes et les biens. [...]
[...] Par cet arrêt, la troisième chambre civile rejette le pourvoi. En effet, les juges du droit apprécient souverainement le raisonnement des juges du fond et pose que la preuve rapportée par l'intimé ne permet pas d'établir la réalité ni l'objet de la rétrocession. Par conséquent, lorsqu'une cession de part sociale n'a aucun objet et aucune cause, elle est une vente dérisoire. Ce prix dérisoire explique alors un déséquilibre entre les pollicitants dès lors que les cessions des parts n'ont en réalité jamais eu lieu. [...]
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