Cour de cassation 3e chambre civile 3 avril 2001, durée du bail, article 1737 du Code civil, locataire, expiration d'un bail, article L145 du Code de commerce, résiliation par anticipation, juges du fond, commentaire d'arrêt
En matière de bail de droit commun, il est possible de fixer un terme au contrat, ce qui confère au bail une durée déterminée. Cependant, un bail à durée déterminée peut aussi être résilié, par congé, c'est-à-dire avant l'arrivée du terme si les parties l'ont prévu. L'arrêt qui nous est soumis à commentaire illustre parfaitement l'hypothèse inverse, lorsque les parties n'ont rien prévu au contrat. Il a été rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 3 avril 2001.
Les faits soumis à l'attention de ladite juridiction sont les suivants, une société civile immobilière (= le bailleur) a consenti un bail à une SARL (= le locataire) pour une durée de 23 mois. Le locataire a mis un terme au bail de façon anticipée, le litige étant né de cette action.
[...] Pourtant, malgré l'interdiction pour le preneur de mettre un terme de façon prématurée au bail conclu pour une durée déterminée, cette interdiction ne tient qu'en cas d'absence de modalités de résiliation avant le terme. On peut déduire cette possibilité de la liberté contractuelle inhérente à tout contrat, ainsi, les parties sont en droit de stipuler dans un bail à durée déterminée qu'elles pourront chacune mettre fin de manière prématurée au bail en donnant congé à l'autre partie. Dans le cas d'une telle stipulation, on obtient l'exception au principe suscité. [...]
[...] Cela passe par la nécessaire différenciation des baux au regard de leur durée Mais également par le constat que la qualification de bail dérogatoire à durée déterminée entraine des conséquences restrictives pour le locataire A. La nécessaire différenciation des baux au regard de leur durée Si ce jugement s'avère avoir été cassé pour des raisons que nous verrons par la suite, il a tout de même le mérite de rappeler la nécessaire différenciation des baux au regard de leur durée. En effet, avant tout jugement, les juges du fond se sont attachés à relever le caractère déterminé ou non du bail. Mais pourquoi cette précaution ? [...]
[...] Cette protection, en plus d'être légitimée par les textes est également légitimée par le fait que si le bail n'avait pas été dérogatoire au statut des baux commerciaux, alors par définition, il aurait été un bail commercial, et de fait, les articles du Code de commerce relatifs aux baux commerciaux auraient pu s'appliquer, or on sait que le droit spécial des baux commerciaux est souvent très protecteur du locataire qui bénéficie de nombreuses garanties du fait de la nécessité de protéger son activité professionnelle, souvent au détriment du bailleur. Ainsi, il semble que la Cour de cassation ait voulu ici rétablir un équilibre en favorisant un bailleur de droit commun qui serait assez peu protégé par le droit spécial. C'est pourquoi la Cour de cassation constate que la résiliation est illicite et fait par là même droit à la demande initiale du bailleur visant à la condamnation du locataire à payer les loyers restant à courir jusqu'au terme du bail. [...]
[...] On peut l'imaginer puisque sans cette qualification préalable et non remise en cause par la Cour de cassation, aucun jugement n'aurait pu être rendu. Il convient cependant d'expliquer ce que les juges du fonds entendent par ces termes. On peut considérer que ce bail dérogatoire au statut des baux commerciaux est tout simplement un bail de droit commun. On peut déduire cela de l'adage « specialia generalibus derogant » qui signifie que la loi spéciale déroge à la loi générale. [...]
[...] La Cour de cassation n'est pas d'accord avec cela et elle le fait savoir en cassant le jugement. Ainsi, on peut retenir de cet arrêt qu'à défaut de modalités de résiliation prévues dans le bail, il faut considérer que le bail dérogatoire conclu pour une durée déterminée ne peut pas être résilié avant son terme par le locataire. C'est pourquoi le congé donné par le locataire au bailleur en l'espèce est illicite. A contrario, on peut imaginer que si en l'espèce, il avait été stipulé dans le contrat de bail que les parties pouvaient mettre fin au bail de manière anticipé en se délivrant réciproquement un congé, alors les juges du fond auraient parfaitement jugé et la Cour de cassation n'aurait eu qu'à approuver la solution, rejetant ainsi la demande en paiement du bailleur. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture