L'article 1384, alinéa 1er du Code civil dispose que : « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». L'application de cet article a connu une longue évolution. Dans le Code civil de 1804, il était considéré comme l'annonce des six alinéas suivants. Il n'existait pas alors de principe général du fait d'autrui. Avec l'arrêt Jand'heur du 13 février 1930, un principe général de responsabilité du fait des choses est consacré, puis celui de responsabilité contractuelle du fait d'autrui a été reconnu par un arrêt du 18 octobre 1960 de la première chambre civile de la Haute cour. Enfin, l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation consacre le principe général de responsabilité du fait d'autrui le 29 mars 1991 dans l'arrêt Blieck. Se pose ensuite la question de savoir dans quelles situations ce principe est susceptible de s'appliquer.
L'arrêt à commenter de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 26 octobre 2006 en est une illustration. En l'espèce, les membres d'un syndicat ont causé des dégâts à la société Match lors d'une manifestation. Elle assigne le syndicat en responsabilité et indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er du Code civil. Le Tribunal d'instance de Haguenau, statuant en dernier ressort, rejette sa demande le 15 octobre 2003, au motif que la responsabilité d'un syndicat ne peut être engagée sur le fondement de cet article. La demanderesse se pourvoit en cassation. Elle estime que l'application de ce texte ne peut être rejetée sans constater si le syndicat avait un pouvoir de contrôle sur l'activité de ses membres lors de la manifestation qu'il a organisé.
Mais la responsabilité d'un syndicat peut-elle être engagée pour les fautes commises par ses membres sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er du Code civil ?
La réponse à cette question permet de déterminer si une victime peut être indemnisée par un syndicat en tant que responsable du fait de ses membres, ou s'il elle ne dispose que d'un recours en responsabilité personnelle contre les membres. En l'espèce, il s'agit de déterminer si le préjudice subi par la société pourra être indemnisé par le syndicat ou non.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle décide qu' « un syndicat n'ayant ni pour objet ni pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de ses adhérents au cours de mouvements ou manifestations auxquels ces derniers participent, les fautes commises personnellement par ceux-ci n'engagent pas la responsabilité du syndicat auquel ils appartiennent ».
Ainsi, il convient de voir tout d'abord le principe général de responsabilité du fait d'autrui et le syndicat (I), puis l'imputabilité de la responsabilité (II).
[...] Sa responsabilité ne peut être ensuite rejetée que si la preuve de l'inexistence d'un tel pouvoir lors de la manifestation est rapportée. La Cour de cassation quant à elle, jugé qu'un syndicat n'avait ni pour objet ni pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de ses adhérents au cours de mouvements ou manifestations auxquels ces derniers participent. La condition de contrôle temporaire de l'activité d'autrui ne peut pas être remplie par un syndicat. Elle n'est donc pas remplie en l'espèce. [...]
[...] Mais la responsabilité d'un syndicat peut-elle être engagée pour les fautes commises par ses membres sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er du Code civil ? La réponse à cette question permet de déterminer si une victime peut être indemnisée par un syndicat en tant que responsable du fait de ses membres, ou s'il elle ne dispose que d'un recours en responsabilité personnelle contre les membres. En l'espèce, il s'agit de déterminer si le préjudice subi par la société pourra être indemnisé par le syndicat ou non. La Cour de cassation rejette le pourvoi. [...]
[...] Elle reprend ainsi le principe de la responsabilité des associations sportives du fait de leurs membres en l'appliquant au syndicat. Cependant, la Cour de cassation n'est pas de cet avis et rejette ainsi les prétentions de la société en estimant qu'un syndicat n'a pas un tel pouvoir sur ces membres. Le syndicat n'a pas de pouvoir de pouvoir de contrôle sur ses membres. Son rôle est réduit à celui de simple organisateur de la manifestation. Il n'a donc pas la qualité de répondant. [...]
[...] L'article 1382 du Code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer fonde cette responsabilité. Elle nécessite la réunion de trois conditions. Tout d'abord, une faute délictuelle, qui peut être définie comme l'attitude d'une personne qui par négligence, imprudence ou malveillance ne respecte pas son devoir de ne causer aucun dommage à autrui. Ensuite, un préjudice, qui suppose un dommage matériel ou moral subi par une personne par le fait d'un tiers. Enfin, un lien de causalité entre cette faute et ce dommage. [...]
[...] En l'espèce, ces trois conditions cumulatives sont réunies. En effet, les membres du syndicat ont dégradé les installations de la société lors d'une manifestation, commettant ainsi une faute. La société, qui doit réparer les dégâts, a subi un préjudice. Les dégâts que la société doit réparer sont dus à la faute des membres du syndicat, ce qui caractérise le lien de causalité. La société, qui voit ses prétentions rejetées sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er du Code civil, les verra accueillies sur le fondement de l'article 1382 du même code. [...]
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