Cour de cassation 2e chambre civile 8 juin 2017, infertilité et traitement médicamenteux au distilbène, dommage, préjudice, lien de causalité, laboratoire pharmaceutique, article 1315 du Code civil, victime, charge de la preuve, expertise scientifique, juge, article 1382 nouveau du Code civil, commentaire d'arrêt
Les litiges concernant le distilbène, médicament très prescrit dans les années 1970 aujourd'hui déconseillé, sont nombreux et ont commencé dès les années 1990. Encore aujourd'hui, une décision rendue par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation le 8 juin 2017 est liée à la prise de distilbène. En l'espèce, une femme enceinte a pris un traitement médicamenteux durant sa grossesse. À l'âge adulte, l'enfant en question s'est révélée être infertile. La jeune femme a alors décidé d'attaquer en justice le laboratoire pharmaceutique délivrant le médicament, qu'elle estime responsable de son incapacité à procréer. Par un arrêt en date du 7 avril 2016, la Cour d'appel de Versailles a condamné la société pharmaceutique à indemniser Mme X, la victime, à hauteur de 87 329 euros. Et ce, au titre de la réparation des différents préjudices qu'elle a subis, en raison du traitement médicamenteux pris par sa mère lors de la grossesse. La société pharmaceutique a alors formé un pourvoi, en considérant que la cause de l'infertilité de Mme X pouvait être étrangère à la prise de médicament de sa mère. En effet, la science n'a pu apporter de certitude quant au lien de causalité entre la prise de médicament durant la grossesse et l'infertilité de l'enfant.
[...] Le 8 mars 2006, la Cour de cassation viendra confirmer la décision du tribunal de première instance, et confirmera donc la responsabilité de la société fabricante de distilbène. Cette décision de la Cour de cassation du 8 juin 2017 ne peut donc être qualifiée de surprenante d'un point de vue jurisprudentiel. Bien que scientifiquement aucun lien véritable n'est établi entre la prise de distilbène et les handicaps, maladie des enfants, la Cour de cassation reconnaît, quasiment toujours, l'existence d'un lien de causalité. [...]
[...] C'est à partir de 1991 que les plaintes apparaissent en France contre les sociétés pharmaceutiques distribuant le distilbène. Cancers génitaux, infertilité, problème pour procréer, handicap nombreux et varié ont été les effets secondaires. C'est pour la première fois le 24 mai 2002 que le Tribunal de Grande Instance de Nanterre reconnaît la société fabricante de distilbène responsable des cancers génitaux des plaignantes. La justice reconnaît donc ici un lien de causalité entre la prise de distilbène durant la grossesse de la mère et les problèmes causés aux enfants. [...]
[...] Il est notable que pour apporter cette preuve, la victime dispose de tous les moyens qu'elle le souhaite. La preuve peut être de toute nature et s'apporte par tous moyens. Il est vrai que dans certains cas la victime n'est pas dans l'obligation d'apporter la preuve du lien de causalité, car celui-ci est évident. Le 24 mai 1978, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a reconnu le préjudice d'un homme sans que celui-ci ait apporté une preuve. En l'espèce, cet homme avait glissé dans un magasin et s'était blessé. [...]
[...] On constate, en effet, que bien souvent le juge se contente de forte probabilité. Ainsi, le fait qu'aucune preuve n'ait été observée dans cette affaire, alors même que le lien de causalité a été reconnu, n'est pas une nouveauté en matière de jurisprudence. Des décisions similaires ont effectivement été rendues par la Cour de cassation dans des arrêts de la deuxième chambre civile du 11 janvier 1995 et du 18 mars 1992. Des présomptions suffisent afin d'établir un lien de causalité, en matière juridique. [...]
[...] Le recours aux experts est récurrent en droit, car les juges ne peuvent pas être compétents dans tous les domaines. Dans le cas d'un contentieux médical comme celui-ci, ce recours n'est pas étonnant. Dans cette décision, l'intervention de la science n'a pas apporté de réponse formelle. En effet, le lien de causalité entre prise de distilbène et infertilité n'a pas pu être établi scientifiquement. C'est une question récurrente en matière scientifique puisque le distilbène est source de nombreux litiges. Même si la science n'a jamais établi de lien entre ce médicament et les problèmes des enfants, la Cour de cassation a souvent, elle, établi ce lien de causalité. [...]
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