Cour de cassation 2e chambre civile 19 septembre 2003, chose inerte, chose immobile, instrument du dommage, responsabilité du fait des choses, critère d'anormalité, comportement de la victime, jurisprudence, arrêt Liebrand, distinction entre choses mobiles et inertes, commentaire d'arrêt
La question de la preuve du rôle actif des choses inertes dans le cadre de l'engagement de la responsabilité du fait des choses est une question complexe aux réponses variables, sur laquelle s'est penchée la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 18 septembre 2003.
En l'espèce Mme.X, en sortant d'une grande surface, s'est blessée en heurtant un plot en ciment délimitant un passage pour piétons, gardé par la société exploitante Aquipyrdis.
Mme.X assigne la société exploitante du magasin Aquipyrdis ainsi que le cabinet Fillet-Allard, courtier en assurances, en responsabilité et indemnisation des préjudices subis. Le 14 février 2001, la Cour d'appel de Pau la déboute de sa demande en retenant que les plots ne représentaient ni un danger ni un obstacle particulier, que leur position n'était pas anormale, et que leur enlèvement après l'incident ne démontrait en aucun cas leur rôle causal dans le dommage ou leur dangerosité. Face à cette solution, un pourvoi en cassation est formé par Mme.X, et la deuxième chambre civile se prononce le 18 septembre 2003.
[...] Ainsi, la Cour de cassation semble déduire le rôle actif d'une chose inerte du simple fait que la victime soit entrée en contact avec elle, indépendamment de toute autre preuve. A première vue la portée de cet arrêt est donc considérable en matière de preuve du rôle actif puisqu'elle estime que cette dernière ne porte plus ni sur l'anormalité de positionnement ni sur l'anormalité de fonctionnement de la chose, mais uniquement sur le fait que la victime soit entrée en contact avec elle. [...]
[...] Cour de cassation, 2e chambre civile septembre 2003 – La preuve du rôle actif des choses inertes dans le cadre de l'engagement de la responsabilité du fait des choses La question de la preuve du rôle actif des choses inertes dans le cadre de l'engagement de la responsabilité du fait des choses est une question complexe aux réponses variables, sur laquelle s'est penchée la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 18 septembre 2003. En l'espèce Mme.X, en sortant d'une grande surface, s'est blessée en heurtant un plot en ciment délimitant un passage pour piétons, gardé par la société exploitante Aquipyrdis. [...]
[...] La juridiction suprême n'a donc pas souhaité maintenir la confusion qu'elle avait instaurée entre le régime des choses inertes et celui des choses mobiles. Si la nouvelle décision semble respectable au regard de ce qu'aurait amené un maintien de l'ancienne, en revanche elle porte un coup certain à la crédibilité de la Cour de cassation : bien que l'anormalité d'une chose inerte ait de nouveau été évoquée plus récemment dans un arrêt décembre 2012 concernant un tuteur de plante, il n'en demeure pas moins que les juges de cassation ont fait preuve d'une instabilité totale sur le sujet, admettant puis réfutant plusieurs fois les mêmes solutions. [...]
[...] La décision ainsi rendue procède à un effacement de la distinction entre choses mobiles et inertes effacement dont les effets sont discutables (II). Un effacement de la distinction entre choses mobiles et inertes L'effacement de la distinction entre choses mobiles et inertes réalisé ici s'articule autour de la notion d'anormalité de la chose, critère qui était déjà apprécié de manière instable par la jurisprudence et désormais totalement abandonné Un critère d'anormalité apprécié de manière instable L'anormalité d'un corps dans le cadre de la responsabilité du fait des choses, c'est à peu près synonyme de son rôle actif : cette anormalité peut être caractérisée que la chose ait ou non été actionnée par l'homme, qu'elle soit ou non entrée en contact avec la victime et qu'elle soit ou non en mouvement. [...]
[...] En effet de manière prévisible, c'est désormais le comportement de la victime qui va être scruté pour venir limiter son propre droit à l'indemnisation, et le second arrêt Liebrand du 19 février 2004, va estimer que « la faute d'inattention commise par [la victime] en venant se heurter à la paroi vitrée ( ) avait concouru à la réalisation de son dommage » confirmant ainsi le jugement de seconde instance rendant la victime responsable à un tiers de son propre dommage. Ainsi, paradoxalement, alors que le droit de la responsabilité civile a normalement pour but de permettre l'indemnisation de la victime, l'abandon de l'anormalité dans les critères de la responsabilité du fait des choses pousse les juges à émettre un jugement de valeur sur le comportement de la victime. La solution ainsi retenue amène à un raisonnement qui va à l'encontre de la finalité première du mécanisme de la responsabilité civile, qui est la protection et l'indemnisation de la victime. [...]
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