Cour de cassation deuxième chambre civile 13 décembre 2012, notion d'implication dans la loi de 1985, loi du 5 juillet 1985, dommage matériel, accident de la route, élément positif, implication sans heurt, critère de la perturbation, obiter dictum
En l'espèce, alors qu'il effectuait un dépassement, le conducteur d'un véhicule percute successivement une motocyclette puis deux autres véhicules. Dans l'accident, deux occupants du dernier véhicule percuté sont tués, et un troisième est blessé. Les débats se concentrent toutefois sur le dommage matériel subi par l'un des conducteurs dépassés, sur la voiture duquel du liquide corrosif a été projeté au cours l'accident, sans qu'il soit toutefois heurté. La cour d'appel de Fort-de-France, dans un arrêt du 13 mai 2011, établit l'implication au sens de la loi de 1985 du véhicule ayant subi cette projection de liquide corrosif dès lors qu'il a été victime d'un dommage décrit comme "immédiatement consécutif aux collisions successives intervenues dans un même laps de temps entre les véhicules impliqués".
[...] Toutefois, la portée de l'arrêt ne doit pas être surestimée, et sa solution doit être cantonnée dans de strictes limites. Un arrêt à la portée limitée La portée de cet arrêt, qui semble faire preuve d'un regain de rigueur sur la caractérisation de l'implication, doit toutefois être doublement limitée. D'abord, certains arrêts antérieurs très laxistes à propos de la caractérisation de l'implication du véhicule amènent à douter de la volonté de la Cour de cassation d'opérer une identification rigoureuse de la condition d'implication. [...]
[...] Une interprétation a contrario de l'arrêt du 13 novembre 2012 peut toutefois permettre de préciser ce critère positif : si en effet la présence ne suffit pas à l'implication, c'est que le véhicule, au-delà de sa présence, doit également avoir un rôle actif dans la production de l'accident. Mais comme l'observent certains auteurs (v. P. Jourdain, RTD civ 390), c'est déjà dériver vers un raisonnement utilisé en matière de responsabilité du fait des choses, où la notion de « fait actif de la chose » a fait l'objet d'une abondante jurisprudence. Alors que le revirement de jurisprudence de 1994 avait semblé chasser le critère de la perturbation, celui-ci semble finalement bien revenir par la fenêtre. [...]
[...] Cette jurisprudence est symbolisée par un arrêt récent de la deuxième chambre civile rendu le 29 mars 2018, qui vient affirmer que la notion d'implication « n'est pas subordonnée à la condition qu[e le véhicule] ait joué un rôle perturbateur ». Cet arrêt constitue le point d'orgue d'une jurisprudence extrêmement peu exigeante, au sein de laquelle l'arrêt du 13 novembre 2012, s'il a pu être approuvé en tant qu'il opère un retour à la raison, ne constitue qu'une éphémère exception. [...]
[...] La cour d'appel ne pouvait donc, comme elle l'a fait, établir un lien entre la qualité de victime d'un dommage matériel et l'implication dans l'accident de la circulation. Ces deux qualités sont indépendantes. En adoptant un tel raisonnement, la Cour de cassation affirme que la simple présence d'un véhicule sur les lieux de l'accident ne suffit pas à caractériser son implication laissant en suspens la difficile question de la caractérisation de l'élément positif caractérisant l'implication sans contact (II). La présence sur les lieux de l'accident, condition non suffisante de l'implication Dans l'arrêt soumis à notre étude, la Cour de cassation semble trancher clairement un débat ayant donné lieu à une jurisprudence fluctuante par le biais d'un net rejet de la liaison entre qualité de victime d'un dommage matériel et implication dans l'accident Le caractère fluctuant de la jurisprudence antérieure sur la notion d'implication en l'absence de contact La notion d'implication constitue, avec celle de « véhicule terrestre à moteur », le principal objet d'interprétation de la Cour de cassation dans la détermination du champ d'application de la loi de 1985. [...]
[...] Dès lors la valeur signifiante de l'arrêt est bien plus importante que dans les arrêts précédents : la circulation normale sur une route devant le responsable de l'accident, avant un dépassement, ne constitue rien d'autre pour la Cour de cassation qu'une « présence » sur le lieu de l'accident, non constitutive d'implication. En second lieu, c'est non plus la présence, mais la qualité même de victime d'un dommage matériel qui est indifférente à l'existence d'une implication du véhicule dans l'accident. C'est en effet sur ce point précis que la cour d'appel est censurée, ayant constaté un lien direct entre qualité de victime et implication dans l'accident. Certes, la jurisprudence antérieure avait déjà pu constater l'établissement d'un tel lien, lorsque le dommage résultait d'un heurt. [...]
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