Cour de cassation 1re chambre civile 7 octobre 2015, théorie de l'apparence, prescription acquisitive abrégée, testament, legs, erreur commune, biens litigieux, article 2276 du Code civil, propriété, bonne foi, commentaire d'arrêt
En l'espèce, M. Henri X décède le 12 novembre 1988, et laisse comme héritière sa fille Anne-Marie. Celle-ci décède le 11 novembre 2007, laissant des parcelles de terre à Jean X et à son fils Jean-Michel (consorts X) par un testament. MM. Francis et Paul Y (consorts Y) assignent ces derniers en justice, pour obtenir la délivrance de leur legs, en se fondant sur un testament olographe d'Henri X du 5 septembre 1965, qui les institue en tant que légataires universels, ouvert et décrit par-devant notaire le 4 octobre 2010. L'affaire est jugée en première instance, puis par la cour d'appel de Douai, qui rend un arrêt le 3 février 2014. Les consorts X se pourvoient en cassation contre celui-ci.
[...] La Cour de cassation rejette le pourvoi et valide la décision de la cour d'appel, en ce que la théorie de l'apparence n'a d'effet que sur les actes à titre onéreux. Concernant la prescription acquisitive abrégée, la Cour suprême relève que celui qui souhaite s'en prévaloir doit avoir acquis le bien d'un tiers n'étant pas le véritable propriétaire. Cet arrêt apporte une nouvelle modalité concernant la théorie de l'apparence sur des biens acquis par une transaction d'apparence régulière Par ailleurs, la haute juridiction affirme le caractère rigoureux des conditions de la prescription acquisitive abrégée faisant obstacle à l'effet d'une possession prolongée qui pourrait pourtant sembler bien réelle au regard des faits. [...]
[...] L'usucapion permet par possession utile prolongée d'acquérir un titre de propriété sur un bien, dans un but de paix sociale. En effet, c'est en cela que l'exclusion des effets de la possession prolongée et de bonne foi des consorts par la haute juridiction, peut paraître contestable. Nonobstant le fait que le titre de propriété des consorts Y ait été révélé 22 ans après le décès du de cujus, la protection de l'acquéreur à titre onéreux l'emporte sur la possession prolongée des parcelles de terre acquises à titre gratuit, et ce, à juste titre. [...]
[...] En effet, la situation de fait était telle que la prescription acquisitive pouvait s'appliquer. Néanmoins, la Cour de cassation rejette le moyen invoqué, en ce que « tenant ces biens de leur véritable propriétaire, elle ne pouvait en avoir acquis la propriété par prescription acquisitive ». La juridiction suprême rappelle ainsi que pour pouvoir exercer la prescription acquisitive abrégée, il faut avoir obtenu un titre d'un tiers n'étant pas le véritable propriétaire (3e chambre civile 11 février 2015), or Anne-Marie tient les biens litigieux dans sa succession directement du de cujus lui-même. [...]
[...] Trois conditions sont nécessaires à son application : la bonne foi de l'acquéreur, l'erreur commune, et l'erreur invincible. Les consorts X ayant acquis le bien de la fille unique du défunt Henri avant que le testament olographe des consorts Y soit révélé, pouvaient donc se prévaloir de cette théorie, puisqu'ils avaient pu croire légitimement que la situation de fait était régulière. Néanmoins à ces trois conditions classiques de la théorie de l'apparence, la première chambre civile ajoute dans cet arrêt un élément supplémentaire. [...]
[...] Le transfert de propriété consenti par un tiers n'étant pas le véritable propriétaire La possession mène à la propriété d'un bien meuble au titre de l'article 2276 du Code civil : « en fait de meubles, possession vaut titre. ». Concernant les biens immeubles, la possession trentenaire (pendant 30ans) mène à la propriété, c'est la prescription acquisitive, ou usucapion (possessio ad usucapionem), même en cas de mauvaise foi du possesseur. En cas de bonne foi, la prescription acquisitive est abrégée à 10ans de possession. Elle donne au possesseur sous certaines conditions, par l'écoulement du temps, un titre de propriété correspondant à sa situation de fait (Cass. 3e civ octobre 2011). [...]
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