Cour de cassation 1re chambre civile 24 septembre 2002, arrêt Aouad, mariage bigame, étranger, pays ad hoc, Liban, article 147 du Code civil, polygamie, arrêt Baazid, naturalisation, volonté frauduleuse, Lex Fori, putativité, bonne foi, commentaire d'arrêt
En l'espèce, un homme de nationalité libanaise s'est marié dans un premier temps dans son pays d'origine selon les rites chrétiens. L'union n'ayant pas été dissoute, l'homme se convertit à l'Islam et se marie ultérieurement avec une femme française par naturalisation, en Égypte. Estimant que la pratique de l'individu évoqué en sus relevait de la bigamie, le procureur de la République a formé un recours en annulation auprès du Tribunal de grande instance de Nanterre, qui abonde en son sens dans un jugement dont la date nous est inconnue. Par la suite, la Cour d'appel de Versailles déboute les demandeurs et confirme l'arrêt rendu en première instance en prononçant l'annulation du mariage.
[...] Pour ce faire, la Cour de cassation devait répondre au problème de droit suivant : quels sont les effets reconnus au mariage bigame conclu entre une Française et un étranger dans un pays ad hoc qui reconnait une telle pratique ? Après avoir retenu qu'un mariage bigame contracté à l'étranger pouvait être valide en France « à la condition que les lois nationales de chacun d'eux autorisent la bigamie », la Cour de cassation reprend la formule utilisée en appel, affirmant que l'article 147 du Code civil édicte selon son interprétation « un empêchement au mariage justement qualifié de bilatéral et absolu ». [...]
[...] Ainsi le contrat qui régit les époux en lui-même n'est pas de nature à créer des effets de droit, car aucune de ses stipulations ne renvoie à des conséquences patrimoniales pour la famille qu'il institue. On ne peut considérer qu'il y a adoption du « régime musulman », car il est inexistant en droit français. La solution de l'arrêt commenté vient donc rétablir ce qui était un non- sens juridique, car si l'on analyse la décision antérieure de 1995 que viens contredire le revirement, la reconnaissance du mariage putatif en la matière induit nécessairement que les rapports patrimoniaux entre les époux soit régis par la règle de conflit désignant le régime légal de droit commun de leur résidence habituelle, c'est-à-dire la communauté de bien ce qui à n'en point douter est un contresens juridique comme nous avons pu le mettre en lumière précédemment. [...]
[...] En outre la Cour qualifie la situation des demandeurs d'« état de bigamie ». Ladite qualification renvoie à la sanction pénale de l'article 433-20 du Code pénal, bien que dans la situation de l'arrêt analysé le mariage ne puisse donner lieu à aucune condamnation pénale en raison de sa célébration dans un endroit où les formes usitées n'ouvraient pas à de telles poursuites. On en retient néanmoins la critique latente formulée implicitement par la Cour. L'action du ministère public est donc justifiée, car elle correspond à l'interprétation faite de l'article 423 du Code de procédure civil opérée par la Cour de cassation en date du 13 mars 2007 : « le ministère public peut agir pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci » En ce qui concerne le caractère « absolu » de l'empêchement bilatéral, la conception de la Cour dans l'arrêt qui fait l'objet de notre étude peut porter à débat, en effet s'il permet d'éviter le mariage d'une Française célibataire avec un étranger marié dont le statut personnel autorise la polygamie, il n'est d'aucune utilité lorsque la Française est la première femme d'un étranger souhaitant se marier à une de ses compatriotes alors même s'il s'agit de la même polygamie passive. [...]
[...] Il n'était pas licite selon le statut personnel du mari qui s'expose même à des poursuites pénales dans son pays d'origine. La base même du pourvoi est donc irrecevable en l'espèce. À noter que le choix de l'Égypte s'explique du fait que les lois qui gouvernent ce pays donnent à la conversion un effet immédiat sur le statut personnel. Il suffisait donc en l'espèce de faire une simple application distributive des lois. Aucun des statuts personnels des deux époux ne permettait la bigamie, le mariage était donc inévitablement invalide. [...]
[...] La juxtaposition des régimes communautaires et personnels est ainsi difficilement envisageable dans la mesure où ils ne répondent pas à une architecture commune. La Cour aurait pu utiliser en ce sens un fondement légal dégagé par la CEDH en 2010 qui disposait que les États n'avaient pas l'obligation de reconnaitre l'Union religieuse. À l'observation de ces remarques, le refus de la putativité peut être considéré comme heureux dans la mesure où la situation patrimoniale la plus proche de celle des anciens époux avant l'annulation de leur mariage est celle du concubinage. [...]
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