Cour de Cassation, 1re chambre civile, 24 sept 2009, droit de rétention, principe d'opposabilité, droit réel, effet erga omnes, abus de droit
En l'espèce, une société avait acquis trois véhicules puis les avait revendus à des tiers. Dans la mesure où la société acheteuse ne s'était jamais acquittée du prix, le vendeur initial avait exercé son droit de rétention en refusant de délivrer les documents administratifs des véhicules. Afin de pouvoir se voir remettre ces documents, les sous-acquéreurs, tiers à l'opération originelle, ont donc assigné en justice le vendeur initial qui, pour justifier son refus, invoquait son droit de rétention.
[...] Concernant la théorie de l'abus de droit, la portée de l'arrêt du 24 septembre 2009 sur le droit de rétention demeure imprécise et la jurisprudence postérieure reste relativement rare. Toutefois, un récent arrêt des juges du fond s'illustre en établissant que le droit de rétention est insusceptible d'abus (Cour d'appel de Versailles - 10 mars 2015). En dépit de cela, le droit de rétention reste malgré tout limité de par notamment ses conditions de mise en œuvre. B. Les limites apportées à l'exercice du droit de rétention Tout en refusant la théorie de l'abus de droit, la Cour de cassation ne fait pas pour autant du droit de rétention un droit absolu et discrétionnaire De plus, en raison des conséquences pratiques, la solution de l'arrêt du 24 septembre 2009 résonne comme un appel à la prudence pour les sous-acquéreurs L'exercice sous conditions du droit de rétention Bien que la solution apportée par la première chambre civile au sein de cet arrêt réfute la théorie de l'abus de droit, elle ne sacralise pour autant pas un droit suprême détenu par un créancier. [...]
[...] Ainsi, ni la bonne foi ni l'insolvabilité de la société intermédiaire débitrice ne vont permettre de faire dégénérer en abus l'exercice de ce droit La bonne foi des sous-acquéreurs Le raisonnement émis par les juges du fond avait jugé que le créancier commettait un abus de droit dans la mesure où il exerçait ce droit comme un moyen de pression sur des sous-acquéreurs de bonne foi. Cette solution s'avérait plus favorable aux tiers. L'arrêt de cassation du 24 août septembre 2009 ne poursuit pas sur cette voie et refuse la qualification d'un abus de droit. En effet, l'attendu de l'arrêt du 24 septembre 2009 énonce que droit de rétention ( ) était opposable aux sous-acquéreurs, la bonne foi de ceux-ci ( ) ne pouvant faire dégénérer en abus l'exercice de ce droit ». L'arrêt semble ici établir la toute-puissance du droit de rétention. [...]
[...] Pour comprendre le mécanisme du droit de rétention, il faut en connaître le régime juridique. Or, comme le relève le professeur Thierry Revêt, droit de rétention ne parvient pas à s'insérer dans la taxinomie des garanties et des pouvoirs sur les choses ». La situation est d'autant plus complexe que le législateur s'est abstenu de se prononcer sur la nature juridique du mécanisme alors même que la situation s'y prêtait avec la réforme d'ampleur du droit des sûretés en 2006. Est-ce une prudence volontaire ? [...]
[...] C'est notamment ce qu'explique le Professeur Arlette Martin-Serf : l'heure où le consommateur a tendance à se croire protégé contre toutes les mauvaises surprises, il peut se trouver désarmé face à un droit de rétention exercé par un professionnel ». La vigilance est donc de mise pour les sous-acquéreurs qui se retrouveront démunis de tous moyens juridiques quand un créancier leur opposera son droit de rétention. De toutes les manières, la solution inverse aurait également eu des contrecoups regrettables pour le créancier qui serait demeuré impayé. Volontairement, la Cour de cassation a donc pris parti de consacrer formellement l'effet erga omnes le droit de rétention - notamment vis-à-vis des sous-acquéreurs. [...]
[...] Même si la solution se justifie eu égard à ses effets, le droit de rétention conserve une place à part. Les sûretés apportent au créancier des préférences pour l'assurance du paiement de leur créance. Ces sûretés confèrent finalement des prérogatives, de nature personnelle ou réelle au créancier. Si la nature du droit de rétention pose autant de difficulté, c'est qu'elle se situe au carrefour de la dichotomie, ni totalement un droit réel, ni totalement un droit personnel. Pourtant, pour des raisons évidentes et notamment concernant l'opposabilité, la Cour de cassation décide d'implanter le droit de rétention au sein du vaste ensemble des droits réels. [...]
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