Cour de cassation 1re chambre civile 20 octobre 2014, faute lourde, préjudice, dommages et intérêts, indemnisation, faute dolosive, arrêt Société Chronopost, article 1150 du Code civil, commentaire d'arrêt
En l'espèce, des époux confient le déménagement de leurs objets à une société de transport, les biens sont abimés par la moisissure durant le transport. Or il s'avère que le transporteur n'avait pas pris les mesures nécessaires pour éviter ce préjudice, qui était pourtant prévisible, étant donné que le transport se faisait par navire dans une zone tropicale. Les époux et leur assureur sollicitent l'indemnisation des dommages prévisibles et imprévisibles auprès des sociétés en cause. La Cour d'appel les condamne alors à un paiement de dommages et intérêts en retenant la faute lourde du déménageur, mais limite, en l'absence de faute dolosive, l'indemnisation aux seuls dommages prévisibles.
[...] Le Code civil s'est ainsi vu insérer, dans sa nouvelle rédaction, l'article 1231-3 disposant que « le débiteur n'est tenu que des dommages- intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive ». Ainsi la limitation des dommages et intérêts est évincée, sans aucune confusion possible, dès lors que la faute lourde ou dolosive se voit qualifiée. [...]
[...] Il en est expressément ainsi du dol, qui consiste en l'inexécution intentionnelle d'une obligation contractuelle, et classiquement de la faute lourde qui est assimilée au dol. La conception extensive ou restrictive de la faute lourde présente donc un enjeu en ce que le créancier de l'obligation pourra plus ou moins facilement obtenir une entière indemnisation de ses préjudices. S'agissant des effets de la faute lourde, la Cour de cassation censure la Cour d'appel au visa de l'article 1150 du Code civil en énonçant dans l'attendu de principe, la faute lourde est assimilable au dol et empêche le contractant auquel elle est imputable de limiter la réparation du préjudice aux dommages prévus et prévisibles. [...]
[...] Toutefois, la première chambre dans un arrêt du 1er avril 2006 s'était montrée réticente en adoptant la conception objective, elle avait apprécié la gravité des conséquences de l'inexécution. Aussi, pour caractériser la faute lourde elle considéra notamment tout manquement à une obligation essentielle du contrat dans un arrêt du 2 décembre 1997. Cette conception objective extensive a été retenue pour améliorer la condition du créancier de l'obligation inexécutée. Elle s'inscrit dans le mouvement rigoureux de neutralisation des clauses limitatives de responsabilité. Néanmoins, selon la conception subjective, seule la gravité du comportement du débiteur conduit à la caractérisation de la faute lourde. [...]
[...] L'alignement de la Cour sur la conception subjective de la faute lourde Les dommages et intérêts ont pour objet de réparer le préjudice résultant de la faute du contractant dans l'inexécution ou la mauvaise exécution. Ces derniers peuvent être limités par une clause de non-responsabilité stipulée dans le contrat ou un certain plafond de dommages et intérêts prévu par les parties. Cependant lorsque la faute est caractérisée de faute dolosive, les clauses de ce type sont évincées au sens de l'article 1150. [...]
[...] Cela justifie la solution de la Cour de cassation qui, en l'assimilant au dol, refuse, par une application extensive de l'article 1150 du Code civil, la limitation de l'indemnisation de la victime d'une faute lourde. En conservant cette interprétation extensive, la Cour sanctionne fermement l'auteur de la faute lourde, tout en protégeant davantage son cocontractant via l'indemnisation totale de son préjudice. Par la suite, la jurisprudence avait assimilé la faute lourde au dol et lui avait fait produire les mêmes effets. [...]
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